Projet de loi de finances pour 2009 : politique des territoires

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, la création d’un secrétariat d’État chargé de l’aménagement du territoire et les quatre actions - la qualité des eaux en Bretagne, l’investissement en Corse, la préservation du Marais poitevin et l’application du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe - ne sauraient cacher le marasme dans lequel se trouvent aujourd’hui plongés certains de nos territoires, au regard de leur aménagement.

En effet, sauf à renoncer aux principes d’égalité et de solidarité, l’aménagement du territoire ne peut se concevoir sans la garantie d’un service public de qualité.

Vous l’avez reconnu, monsieur le secrétaire d’État, « les crédits qui sont alloués [à votre mission] sont relativement modestes ». Nous ne nous attarderons donc pas sur les chiffres.

Force est de constater que ce budget ne se donne pas les moyens financiers de répondre à la crise que traversent nos territoires, qu’il s’agisse des territoires ruraux isolés ou des quartiers urbains en difficulté, fragilisés par vos réformes successives contre les services publics.

La mise en place de la révision générale des politiques publiques, qui vise à augmenter la rentabilité financière, a donné le ton : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, telle est la volonté du Président de la République.

Or les suppressions d’emplois publics, qui s’inscrivent dans la logique de la RGPP, portent un coup fatal au service public, notamment dans ses dimensions d’accessibilité et de proximité, et mettent en péril l’objectif d’un aménagement équilibré du territoire.

Nous considérons, pour notre part, que c’est la politique du Gouvernement qui coûte cher à nos concitoyens, car elle porte atteinte à leur qualité de vie, à leur santé, à l’égal accès de chacun aux services de l’énergie, de la poste, de l’éducation.

Le rapporteur spécial à l’Assemblée nationale a déclaré - cela en dit long ! - que les relais-postes dans les épiceries-cafés-restaurants fonctionnaient mal dans certaines régions, pour des raisons historiques et politiques.

La raison est bien plus simple : les « points-poste » fonctionnent mal parce qu’ils n’assurent pas la confidentialité, parce que c’est au commerçant de faire l’avance sur son fonds de caisse, parce qu’il est inouï de penser que l’on peut rendre à l’usager un service public de qualité, dans un lieu commercial, sans formation des agents !

Le service public postal joue un rôle central dans l’aménagement du territoire. Pour les populations habitant dans des régions enclavées, les postiers sont souvent le dernier lien.

Pourtant, le Gouvernement ne renonce pas à la privatisation de La Poste. Pour les élus communistes, d’autres solutions existent. Moderniser le service public postal, ce n’est pas vendre les activités rentables et abandonner les autres, c’est créer les conditions de solidarité et de péréquation tarifaire, qui permettent d’assurer à tous, sur l’ensemble du territoire, un haut niveau de service public.

En ce qui concerne la réforme de la carte militaire, les moyens figurant dans la mission « Politiques des territoires » sont insuffisants pour répondre aux dégâts que vous allez provoquer. L’Association des maires de France a regretté, à juste titre, le manque de transparence de cette réforme, et la mise en cause de « la nécessité de respecter le principe de l’équilibre des territoires et de leur aménagement qui doit tenir compte des spécificités locales ».

Cette réforme touche surtout des communes qui se trouvent dans des régions enclavées, comme Barcelonnette, Briançon ou Bourg-Saint-Maurice, ou qui sont déjà en proie à des difficultés économiques et à un chômage élevé, comme les villes de garnisons situées dans le quart nord-est de la France. Les communes peu peuplées sont souvent encore plus dépendantes des retombées économiques engendrées par la présence militaire sur leur sol.

Loin d’opérer un aménagement du territoire, la politique du Gouvernement organise une désertification des territoires, qui semble concerner tous les domaines. Ainsi, même l’accès à la santé est remis en cause. Aujourd’hui, on découvre avec stupéfaction les conditions dans lesquelles les femmes doivent accoucher. Après la fermeture de la maternité de Saint-Agrève, une jeune mère a mis près de quatre heures pour rejoindre la maternité la plus proche. Soixante kilomètres sur des petites routes de montagne en plein travail d’accouchement ! Voilà quelle est votre conception de l’aménagement du territoire et de la modernisation de l’accès au service public de la santé. Et on pourrait multiplier les exemples qui montrent un recul dans la prise en charge des soins.

En ce qui concerne la carte judicaire, là encore, on aboutit à un résultat peu satisfaisant sur le plan de l’aménagement du territoire. On éloigne la justice du justiciable, et les professionnels de la justice de leur lieu de résidence.

De fait, la réforme portée par Mme le garde des sceaux se résume uniquement à la suppression de tribunaux. La grande majorité des magistrats, avocats et personnels de la justice relèvent que « ce sont les juridictions les plus proches des citoyens, qui fonctionnent le plus rapidement et le mieux, qui sont touchées en premier ».

Là encore, la politique du Gouvernement s’inscrit dans une volonté d’opposer les territoires et va à l’encontre même de la continuité du service public sur l’ensemble du territoire national.

Depuis qu’il prépare le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement ne cesse de proclamer son attachement aux transports collectifs. Mais rien n’est fait pour le transport interrégional, et le désengagement chronique de l’État met certaines régions en difficulté en ce qui concerne l’entretien et la rénovation des voies.

Nous considérons, au contraire, que les impératifs environnementaux et d’aménagement durable devraient conduire à un maillage fin de l’ensemble du territoire et au développement de l’offre ferroviaire. Dans ce cadre, le financement des infrastructures de transport devrait constituer une mission régalienne de l’État, qui doit être le garant de l’intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale. Là encore, la politique gouvernementale est aux antipodes de ces déclarations de principes, comme en témoigne le projet de loi que nous examinerons dans quelques semaines et qui met en œuvre la privatisation du transport ferroviaire passager.

S’agissant de l’aménagement numérique du territoire, nous pouvons constater que, là aussi, l’accès aux services dématérialisés n’est pas plus satisfaisant.

Le Gouvernement multiplie les déclarations de bonnes intentions sur la nécessité de poursuivre la couverture des zones blanches de téléphonie mobile et d’assurer à nos concitoyens la perspective d’un accès rapide et de bonne qualité à internet à haut débit, fixe et mobile.

Lorsque nous avons déposé dans le cadre de la discussion de la loi de modernisation de l’économie un amendement visant à renforcer le contenu du service universel des télécommunications, et notamment à exiger le haut débit en lieu et place de la notion de « fréquence suffisante », on nous a opposé, abusivement selon nous, l’article 40.

Enfin, le Gouvernement prévoit, au nom de l’aménagement du territoire - c’est une préoccupation qu’il ressort quand cela l’arrange ! -, de délocaliser des administrations ou des établissements publics. Je pense à la délocalisation de l’INSEE à Metz, à celle du siège de l’Office national des forêts à Compiègne, et je pourrais multiplier les exemples. Ces projets pilotés par le Gouvernement mettent gravement en danger la qualité du service, mais, surtout, ne tiennent absolument pas compte de la vie des personnels.

Monsieur le secrétaire d’État, le Premier ministre déclarait que « la réforme de l’État supposera que chacun d’entre nous accepte qu’il y ait moins de services, moins de personnel, moins d’État sur son territoire ». Votre politique comme votre budget se résument à cela : réforme après réforme, modernisation après modernisation, nos territoires et nos populations se voient dépossédés des structures publiques d’intérêt général essentielles à un aménagement harmonieux de notre pays, à son attractivité économique, sociale et culturelle.

Parce que nous nous opposons à ces politiques rétrogrades et que nous considérons que la mission « Politiques des territoires » ne saurait pallier le recul massif des services publics, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de cette mission.

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