Budget 2003 : pêche

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,

Avis de tempête sur la pêche française menacée par la réforme de la politique commune de pêche dévoilée par la Commission FISCHLER le 28 mai dernier : c’est dans ce climat que nous débattons du budget 2003 de la pêche dont les grandes masses financières n’appellent pas des commentaires sauf pour :

D’une part, l’OFIMER qui enregistre une diminution de 15% avec toujours la même explication gouvernementale des reliquats non utilisés. Cette sous-utilisation s’explique pourtant par les conditions trop strictes de déclenchement des aides publiques pourtant nécessaires aux acteurs économiques. Il faut favoriser une meilleure et complète utilisation de ces crédits par un assouplissement des règles d’intervention financière de l’OFIMER.

D’autre part, l’IFREMER qui voit ses crédits multipliés par trois. C’est une bonne chose. Il est cependant nécessaire de faire évoluer une meilleure association de travail entre l’IFREMER et le monde de la pêche, y compris, naturellement, les Comités nationaux, régionaux et locaux des pêches maritimes et des élevages marins.

La pêche est une activité de cueillette et non de production. Or, le traité instituant la Communauté européenne lui assigne les mêmes objectifs que la PAC qui gère une activité de production, en particulier celui d’accroître la productivité.

Ce vice de fond a conduit aux plans successifs de casse des bateaux et à la perte de 5300 emplois ces dix dernières années en France. Les subventions inéquitables ont encouragé le gigantisme des bateaux au détriment de la pêche artisanale qui représente 50% des équipages et constitue le tissu économique et social de nos côtes.
460 millions d’euros sont prévus par Frantz FISCHLER au bénéfice d’aides au désarmement, aux régimes de pré-retraite et aux aides à la reconversion. L’Europe persiste et signe, elle applique une politique de contrainte et non de coopération sur le monde de la pêche. Force est de constater que ça ne marche pas.
Venons-en à l’argument choc de la Commission européenne : la question de la ressource, de la surexploitation des stocks. Il faut rétablir quelques vérités : selon les rapports du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM).

Il y a 150 stocks de poissons évalués et suivis au plan scientifique dans les eaux communautaires : sur ces 150, 15 (soit 10%) sont aujourd’hui considérés comme étant en situation préoccupante ou dégradée. La pêche communautaire a augmenté de 1% en 30 ans.
Les pêcheurs sont sensibilisés et déterminés à agir en faveur des espèces menacées. Mais pour que la Politique communautaire de la pêche (PCP) fonctionne, il est indispensable de les associer et d’encourager leurs propositions.

La PCP doit être une synthèse équilibrée entre une gestion durable de la ressource, et une prise en compte de la dimension sociale, économique et territoriale de l’activité.
A ce titre, la gestion de la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc et en Bretagne est exemplaire et porte ses fruits. Quotas, recensement, jours et temps de pêche ont permis de maintenir puis d’améliorer la ressource, mais également l’aspect humain de la pêche.
ÿ L’idée d’un CTE pêche avancée par de nombreux professionnels n’est pas reprise par le gouvernement, elle pourrait permettre d’assurer une transition en attendant la reconstitution des stocks affaiblis.

Il faut, par ailleurs, s’attaquer résolument à la pêche minotière qui détruit adultes et juvéniles pour fabriquer de la farine de poissons. L’Europe consomme 12 millions de tonnes de farine de poissons et en produit 6 millions. Ceci est particulièrement inquiétant. Destinées à l’aquaculture, ces farines contribuent à vider la mer et à installer des grands groupes à la tête des fermes aquacoles.
ÿ L’argent consacré à la casse des bateaux doit, au contraire, servir à les renouveler, les moderniser, les sécuriser, afin de rendre plus sûre et plus attractive la profession qui souffre d’une forte carence de vocation professionnelle.

Le non-renouvellement de la flotte a également eu l’effet pervers d’augmenter le prix des bateaux d’occasion de manière conséquente, ce qui contraint à un effort de pêche plus soutenu pour faire face aux échéances.
Si nous ne voulons pas voir la pêche de demain uniquement entre les mains de grands groupes qui intègrent la filière comme l’a fait Intermarché, un certain nombre de mesures urgentes doivent être prises :

Il faut sortir la pêche artisanale, côtière et hauturière, des pouvoirs décisionnels de Bruxelles et confier la gestion dans la bande des 12 milles au plan national, régional et local.

Il faut constituer des outils régionaux et locaux de gestion de la ressource, des financements et des formations.

Il faut installer un organisme permettant l’échange des observations entre professionnels et scientifiques.
Enfin, il faut supprimer l’obligation de diminution de puissance de 30% pour une remotorisation.

Ce budget 2003, bien que n’étant pas le seul acteur agissant sur le monde de la pêche, ne répond pas à la situation critique d’aujourd’hui et à l’inquiétude du monde de la pêche. Aussi, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra de le voter.

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