Bilan de la politique de défiscalisation des heures supplémentaires

Bilan de la politique de défiscalisation des heures supplémentaires

Face à la crise qui s’installe, et qui exigerait un changement de cap, vous persistez. Pourtant, monsieur le ministre, le bilan de la politique de défiscalisation des heures supplémentaires s’est révélée néfaste tant pour l’emploi que pour les comptes sociaux. Nous avions dit nos craintes lors du vote de la loi Tepa. En 2007, soit avant le vote de la loi, la Dares estimait à 730 millions le nombre d’heures supplémentaires, effectuées par 5,5 millions de salariés, preuve que quand les entreprises ont besoin de recourir aux heures supplémentaires, elles le font : point n’est besoin de loi. La même Dares, en 2008, soit après le vote de la loi, estime que l’augmentation des heures supplémentaires est imputable en partie au fait que les entreprises, dès lors qu’existe un allègement de charges, les recensent plus précisément. Au quatrième trimestre de 2008, en pleine récession, on recense ainsi 184 millions d’heures supplémentaires, soit 40 millions de plus qu’au quatrième trimestre de 2007. Je partage l’analyse que vous a livrée Mme Demontès sur ces chiffres. Certains économistes estiment qu’ils équivalent à 90 000 emplois à temps plein. Et cela alors que 7,8 % de la population active, soit plus de 149 000 personnes sont au chômage et que la barre des trois millions de chômeurs menace d’être franchie.

Voilà des faits, et non des discours. Dans ce contexte, la défiscalisation des heures supplémentaires met en concurrence le temps de travail et l’emploi, au détriment de ce dernier. Alors que les carnets de commande des entreprises sont au plus bas, le recours aux heures supplémentaires a servi non pas à faire face à un surplus d’activité, mais à remplacer les salariés en contrats d’intérim ou en CDD, remerciés.

De surcroît, les dispositions de la loi Tepa ont permis aux employeurs de continuer à tirer vers le bas la rémunération réelle des salariés : le salaire moyen de base, hors heures supplémentaires, primes et gratifications, n’a progressé, au deuxième trimestre 2008, que de 0,9 %, contre 1,1 % au trimestre précédent, tandis que les prix augmentaient, quand à eux, de 1,3 %.

La flexibilité du travail, que vous poussez à outrance, n’a fait qu’aggraver la situation et personne ne croit plus au credo libéral « travailler plus pour gagner plus ». La préoccupation majeure, aujourd’hui, pour des millions de nos concitoyens, c’est de conserver son emploi pour continuer à travailler ! Pour ces millions de femmes et d’hommes privés d’emplois, la loi Tepa, le bouclier fiscal, sont une véritable offense, indigne de notre République. Songeons-y : 90 000 emplois à temps plein !

Mais votre politique n’est pas seulement nuisible à l’emploi, elle est nuisible pour les comptes de l’État. Le dernier rapport de la Cour des comptes estime le coût total de l’ensemble des dispositifs d’exonérations, pour 2008, à 32,3 milliards, dont plus de 4 milliards au titre des exonérations sur les heures supplémentaires. De quoi inquiéter le service public de la santé, une nouvelle fois fragilisé, sans même que cette somme vienne alimenter, comme elle aurait pu le faire, un plan de relance plus ambitieux. La Cour des comptes préconise donc, sans surprise, de revenir sur ces exonérations, dont l’intérêt économique n’est pas avéré. Nous y reviendrons, puisque conformément à l’article 189 de la loi de finances 2009, le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport à ce sujet. Nul besoin cependant d’attendre ce rapport, pour savoir que ces exonérations ont déjà contribué à l’accroissement du déficit de la protection sociale, directement, par la baisse des cotisations versées, et indirectement, par la pression qu’elles exercent sur l’emploi et la masse salariale nationale.

Voilà où nous a conduit votre politique ! Voilà les faits, hors toute idéologie. La vérité, dit-on, naît du choc des opinions. J’ai espoir, monsieur le ministre, pour l’ensemble de nos concitoyens qui souffrent, que votre Gouvernement prendra ses responsabilités en supprimant les dispositions de la loi Tepa. Ce dont notre pays a aujourd’hui besoin, c’est d’une politique de relance ambitieuse, non pas axée sur la réduction du coût du travail mais sur la demande, agissant sur le niveau des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite. Il s’agit aussi de relancer l’investissement en révisant la gouvernance des entreprises, où les dividendes restent élevés, au détriment des salariés et de l’investissement. Je songe en particulier à l’entreprise Caterpillar et vous demande, monsieur le ministre, d’intervenir auprès de sa direction pour qu’elle accède au voeu du comité d’entreprise de voir s’engager une négociation en vue d’un plan social de sauvegarde.

La gravité de la crise requiert un changement de cap ! L’Américain Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008, appelle son pays à la mise en oeuvre d’un plan de relance d’au moins 4 % de son PIB et à l’augmentation des indemnités du chômage. L’heure n’est plus à la rigueur mais bel et bien à la relance !

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