Budget 2003 : réduction des crédits de la culture

Budget 2003 : réduction des crédits de la culture ( Expect Best)

par Jack Ralite

On pourrait être satisfait, même heureux que ces débats portant sur la culture aient lieu le jour où un écrivain, Alexandre Dumas, entre au Panthéon. Écrivain créateur de mythes, citoyen sans compromission, révolutionnaire courageux de 1930, ami de Garibaldi. Dans ses écrits de prison, Gramsci, ce lumineux communiste, lui rendait hommage. Il relevait que la France du xixe siècle s’honorait d’une grande littérature nationale et le vicomte populaire, citant Hugo, Dumas, Sue et Pierre-Alexis Ponson du Terrail, dont la couleur des mots et la geste des personnes sont ici parmi nous comme des éclats du passé.

Oui, Dumas croisé ici sur son chemin vers le Panthéon, aurait dû faire à la majorité devoir de courtoisie envers la culture et les arts. Or votre budget est malmené, comme mis en examen par certains, et je pressens qu’est en train de s’ouvrir un vrai procès de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d’exister.

Cela fragilisera les institutions et les artistes, surtout les jeunes. Plus ponctionné que d’autres budgets, celui-ci deviendra de plus en plus insaisissable et source de rétrécissement des libertés et du pluralisme, alors que dans trop de villes on rogne sur les crédits culturels au nom du populisme et de l’identitarisme. Dans plusieurs journaux, se développe une véritable campagne contre la création dont les bords, disait Melville, sont nécessairement déchiquetés.

Oui, la création et la culture sont à la croisée des chemins - n’est-ce pas aussi le cas de la société ? Comme au jeu de bilboquet, cette boule reliée à un fil, qui, un instant, menace de manquer son but et, alors, la conscience, l’existence, le sens de la vie semblent menacés de vertige. C’est le désarroi, la peur, l’inertie. Mais si le but est atteint, alors, c’est un élan du monde, c’est l’inaccoutumance…

Pour les crédits de la culture c’est la « double peine » : moins 5,2 % dans le « bleu », moins deux millions au Sénat. Alors que Jean-Marie Messier (« Ah ! » à droite) et Vivendi Universal gâchent, abîment, cassent la culture sans la moindre peine et sans aucune intervention de la commission des Finances !

Tout amoindrissement culturel affaiblit notre pays à l’approche d’importants rendez- vous internationaux. Pauvre exception culturelle ! Vous dites préférer la diversité culturelle… Mais la gratuité de l’éducation au xixe siècle, c’était une exception culturelle française ! La sécurité sociale avec la mutualisation des risques, c’était une exception culturelle ! Si on l’attaque, bien sûr il y aura diversité des maladies, bien sûr il y aura diversité des malades. Mais c’en sera fini de notre sécurité sociale.

Je sens se lever dans notre pays comme un vent mauvais contre la culture, la création et la responsabilité publique. Attention, il y a du monde pour l’empêcher !

Un jour sur le marché de Figeac, j’ai trouvé chez un bouquiniste un livre d’Edmond Michelet sur la déportation. On y lisait en exergue une phrase de Péguy : « Je n’aime pas les gens qui réclament la victoire et ne font rien pour l’obtenir. Je les trouve impolis ». Aujourd’hui nous avons eu beaucoup d’impolitesse envers la culture, alors que c’est d’un excès de courtoisie qu’il aurait fallu faire preuve ici.

Les prochains états généraux de la culture rassembleront des centaines d’artistes. Et je crée un comité de vérité et d’avenir sur l’affaire Messier (« Ah ! » à droite) qui regroupera des personnes de toutes opinions.

J’appelle à un excès de courtoisie pour la culture - et puisque Alexandre Dumas fait aujourd’hui chez nous une halte de courtoisie - à la d’Artagnan !

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