Crise de l’industrie

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de notre collègue Martial Bourquin s’inscrit dans le droit-fil des débats que nous avons eus au sujet de la grave crise qui frappe notre industrie automobile.

Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par notre collègue : ils justifient pleinement la création d’une commission d’enquête sur les aides publiques destinées au secteur automobile. J’apporte mon soutien ainsi que celui de mon groupe à cette initiative, à un moment où il semble plus qu’utile d’évaluer les effets réels des aides publiques accordées aux deux constructeurs français, ainsi qu’aux équipementiers et aux sous-traitants.

De nombreux élus locaux s’interrogent sur l’efficacité de ces aides diverses, qui ne sont attribuées qu’à un nombre très restreint d’équipementiers et de sous-traitants, même si, comme vous me l’aviez rappelé lors d’un précédent débat, monsieur le secrétaire d’État, certains présidents de région ont accompagné et approuvé le plan de relance pour l’automobile du Gouvernement.

Si les élus s’interrogent, nos concitoyens et les salariés concernés sont tout aussi dubitatifs, surtout lorsqu’ils apprennent par un communiqué de presse que le groupe Faurecia, filiale de PSA Peugeot Citroën, a émis 65 millions d’actions nouvelles et que cette recapitalisation a rencontré un vif succès auprès des actionnaires, qui ont été plus nombreux à souscrire que lors de l’offre initiale présentée par cette multinationale.

Je pourrais, bien sûr, multiplier les exemples locaux, mais il me paraît plus utile de compléter et d’enrichir le débat par une réflexion plus globale.

La création d’une commission d’enquête est un outil intéressant mais, pour être réellement efficace sur le plan économique, elle doit s’inscrire dans le cadre d’une loi plus générale et contraignante, visant d’abord à définir une stratégie nationale de maintien et de développement d’une politique industrielle. En effet, l’évaluation et le contrôle des aides publiques, même a posteriori, ne sont que des outils permettant de mesurer l’efficacité d’un dispositif plus global, à partir d’une volonté et de choix politiques portant sur les moyens publics à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par un véritable plan cohérent de soutien à l’industrie. C’était le sens de la proposition de loi proposée, au nom du groupe CRC-SPG, par notre collègue Robert Hue.

Il y a là matière à réflexion, surtout lorsque l’on sait que les problèmes de l’industrie automobile, révélés voilà quelques mois, étaient identifiables depuis des années, et ce dans l’ensemble de la filière.

La contradiction était en effet évidente. Toutes les études démontraient que les vingt grands groupes industriels affichaient 50 milliards d’euros de profits nets au début 2008 ; or, parallèlement, l’industrie française ne cessait d’accumuler les problèmes : recul de la production, creusement du déficit commercial, baisse des emplois industriels.

Il faut rappeler, à ce propos, la situation préoccupante de l’emploi : de 20 000 à 25 000 emplois industriels disparaissent chaque mois. Le recul de l’emploi sur une longue période est tout aussi impressionnant : de 5,6 millions d’emplois industriels à la fin des années soixante-dix, nous sommes passés aujourd’hui à 3,8 millions d’emplois directs. La crise n’a fait qu’accélérer ce processus de destruction.

Si les difficultés rencontrées par l’industrie automobile sont désormais connues et ont reçu dans l’urgence une réponse de la part des pouvoirs publics - que l’on peut approuver ou non -, d’autres dossiers industriels mériteraient d’être examinés attentivement : l’aéronautique, de plus en plus contrainte aux délocalisations, l’industrie agroalimentaire, la pharmacie, l’électronique, le textile, le verre, la chimie, etc.

Afin d’élargir la réflexion, nous devons avoir une vision globale de la situation, dans la mesure où c’est notre industrie tout entière qui est concernée. Cela nous éviterait de multiplier les plans d’urgence ponctuels destinés à soutenir, à grand renfort de finances publiques, l’aéronautique un jour, le BTP le lendemain, puis l’agroalimentaire, etc.

Un second aspect mérite également d’être souligné : dans le cadre d’une économie de plus en plus mondialisée, le rôle de l’Union européenne est essentiel.

Vous avez reconnu devant notre assemblée, monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’existait pas de véritable politique industrielle européenne. Nos principaux « concurrents-partenaires » européens ont tous réagi à la crise en apportant des remèdes nationaux : l’Allemagne a conservé son potentiel industriel en s’appuyant sur un réseau de moyennes entreprises et sur la forte qualification de sa main-d’œuvre ; les pays de l’Europe du Nord ont engagé une démarche prospective en matière d’activités industrielles ; d’autres pays, enfin, ont pris discrètement des mesures de protection.

Comment ne pas rappeler, en tordant au passage le cou à une idée reçue, que la concurrence ne vient pas principalement, sauf exception, des pays en voie de développement dans lesquels la main-d’œuvre est bon marché, mais de nos partenaires des pays développés ?

Enfin, il convient d’articuler une stratégie industrielle globale en adoptant de nouvelles règles destinées à renforcer, au plan local, le pouvoir des salariés : augmenter réellement, et de manière permanente, les droits et les moyens des comités d’entreprise ; prévoir par une loi-cadre les droits des salariés à s’informer, à être consultés et à contester les choix de gestion de leur entreprise avant la prise de toute décision. N’oublions pas qu’un quart ou presque des richesses produites par les travailleurs dans les entreprises non financières profitent aux actionnaires !

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