Redonner des moyens au collège unique

par Annie David

Le collège unique n’est pas une utopie, c’est une ambition.
Bien sûr, la nature ne nous a pas fait tous égaux, elle nous a fait individuellement inclassable. Elle a fait de chacun de nous un individu unique dont le cheminement est particulier, dont l’intelligence est irremplaçable.
Le collège unique offre à toutes les intelligences de sortir du cloisonnement social pour acquérir les connaissances et les méthodes de pensée existantes.

Il est le dénominateur commun par lequel l’individu en s’appropriant le patrimoine commun se lie à la communauté nationale.

Le collège unique n’est pas une idée nouvelle.
Mis en place en 1975, le collège unique doit accueillir dans un même type d’établissement tous les élèves de la 6è à la 3è pour leur offrir un enseignement général identique. L’objectif étant de démocratiser l’accès au savoir. Le principe d’égalité suppose que chacun soit doté par l’école de la République d’une culture commune.

Cette mission a été mise a mal ces dernières années, mais l’origine des difficultés que rencontre le collège unique ne lui est pas consubstantielle : elle plonge dans la crise du système socio-économique et culturel que nous traversons.

Certes le collège unique n’a pas permis d’effacer les disparités sociales dans la mesure où l’échelle des valeurs qui préside au système scolaire reflète ceux de la société actuelle.

Cependant, il a permis d’intégrer des enfants d’origine modeste et d’environnements culturels divers.
Ainsi, d’après un rapport du ministère réalisé en 2000,
86 % des enfants-cadre étaient bacheliers contre 56 % des enfants-ouvriers en 1998.
Alors que pour les générations des années 30, les taux étaient respectivement de 41% et de 2%.

Par ricochet, le nombre d’étudiants a doublé en 20 ans.
Ces chiffres démontrent que grâce au collège unique les inégalités sociales pèsent moins fortement dans l’ orientation professionnelle.

En outre, si d’après le Monde, 54 % des enseignants considèrent que le collège unique doit être abandonné, les élèves, quant à eux, estiment pour 63 % que le collège unique est un facteur de démocratisation sociale.
Enfin, 72% des élèves après orientation, estiment être dans la filière de leurs choix
Par ailleurs, la création du collège unique a conduit à une élévation massive du niveau moyen de formation et donc, à l’enrichissement humain de notre société.

On ne peut que regretter que les moyens dévolus au collège unique sur tout le territoire ne soient pas à la hauteur des solutions qu’il apporte socialement parlant.
Ce manque de moyens a entraîné la pérennisation de la ségrégation sociale au lieu de la diminuer, en maintenant, par exemple, des classes de niveau, en faisant entrer la crise dans les établissements scolaires où l’enseignant, parfois, n’est plus qu’un maton.

Les collèges doivent gérer des élèves à moindre coût en freinant les redoublements et en provoquant ainsi l’échec scolaire et des désordres irréversibles : nos enfants ne sont-ils plus que des marchandises que l’on garnit de certains savoirs selon le tri organisé par un patronat à la courte vue ?, ou bien des consommateurs aveugles gavés d’informations chaotiques ?

Il faut renforcer dès la maternelle et la primaire les enseignements fondamentaux afin de mieux préparer les élèves à l’entrée au collège. En outre, il faut diminuer la taille des classes qui n’a cessé de croître ces dernières années. Les enseignants et les élèves sont lassés de classes surchargées faute de moyens.
A l’évidence, ce dispositif génère des inégalités, creuse les écarts entre les élèves, et conduit à d’énormes disparités au niveau des établissements.

Certes la réévaluation de l’enseignement technique et professionnel est essentielle aujourd’hui, mais on peut atteindre cet objectif sans mettre au pilori le collège unique. L’orientation ne devient légitime que si chacun a reçu un enseignement commun, de qualité. Il faut que le collège unique soit une enceinte où l’enseignement professionnel et technique soit proposé aux élèves au même titre que les autres filières d’orientation.

Il faut véritablement donner les moyens au collège unique de son ambition afin qu’il puisse atteindre ces objectifs. Ce n’est donc pas dans l’application de la régulation budgétaire à l’éducation nationale que la solution réside mais bien dans un investissement prioritaire judicieux et effectif.

L’élève n’est ni une marchandise ni un consommateur aveugle. Il est un individu unique en développement et en cela, il a droit à un enseignement général, seul garant d’une orientation personnalisée, choisie et adaptée.
L’ambition du collège unique réussi est le dénominateur commun qui manque à notre société.

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