Un rendez-vous manqué avec l’Histoire

Un rendez-vous manqué avec l'Histoire - Victimes des essais nucléaires français (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Le texte que nous examinerons demain au Sénat vient de loin. Il aura fallu le regroupement des victimes au sein d’associations telles que l’AVEN, Mururoa e Tatou », un important travail d’initiative parlementaire, la création en juin 2008 du comité « Vérité et justice »… pour que le gouvernement accepte de considérer les souffrances endurées par les 150 000 travailleurs civils et militaires présents sur les sites d’expérimentation nucléaires du Sahara et de la Polynésie française.

Aux côtés de Michel Verger, Président de l’AVEN, Hélène Luc, sénatrice honoraire, avec mes collègues du groupe "Communiste, Républicain, Citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche", Michelle Demessine et Michel Billout, j’aborde avec une grande déception l’examen d’un texte qui n’est pas à la hauteur.

S’il avait au départ pour principal mérite l’inversion de la charge de la preuve, il ne crée pas pour autant un véritable droit à indemnisation. Et ce ne sont pas les quelques améliorations apportées par les travaux de l’Assemblé nationale, puis par la commission de la défense du Sénat, qui l’ont transformé fondamentalement.

Pour nous, les questions essentielles ne sont pas prises en compte. La présomption d’un lien de causalité ne sera pas inscrite formellement dans la loi. Le ministre de la défense rejette la création d’un véritable fonds d’indemnisation autonome incluant en son sein les associations de victimes, il a opposé l’article 40 aux amendements concernant la réparation des préjudices propres pour les veuves et les ayants droit et la création d’un dispositif de retraite anticipée. Il rejette en outre tout élargissement des compétences de la commission de suivi aux conséquences épidémiologiques et environnementales des essais. Et lorsqu’il inscrit 10 millions d’euros au projet de loi de finances, cela semble déjà présager que le nombre de dossiers estimés recevables sera limité.

En résumé, n’y aura pas réparation intégrale des préjudices, les populations polynésiennes demeurent laissées pour compte, l’État demeurera juge et partie et examinera au cas par cas, avec ses experts, les dossiers de demande d’indemnisation.

Et ceci est inacceptable. C’est pourquoi, nous déplorons ce rendez-vous manqué avec l’histoire et nous n’adopterons pas ce texte.

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