Cette proposition pervertit la finalité de la recherche biomédicale

Cette proposition pervertit la finalité de la recherche biomédicale - Recherches sur la personne (Cottonbro - https://www.pexels.com/fr-fr/@cottonbro)

Nous sommes quelques-uns à nous étonner que M. Olivier Jardé nous ait ainsi infligé toutes affaires cessantes une septième modification de la loi Huriet-Sérusclat promulguée en 1988, après celle de 2008, les deux de 2006, celles de 2004.... Je déplore qu’on n’ait pas attendu les lois bioéthiques d’autant que, pour lui donner une justification a posteriori, les députés ont érigé la recherche sur la personne en priorité nationale. Je suis en total désaccord avec cette initiative malencontreuse. Ce type de recherche ne saurait que servir la personne ; un projet réduisant celle-ci à l’état d’objet serait contraire à la déclaration d’Helsinki ratifiée par la France et qui dispose que dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être des sujets. Cette proposition pousse à s’abstraire du cadre contraignant des recherches sur l’homme. Je suis heureux de constater que notre commission a sagement rectifié le tir.

Le texte clarifie les différentes étapes de la recherche sur le patient ; il précise les règles pour la recherche non interventionnelle qui avait subi des dérives. Cependant, le travail amorcé au Sénat a été entrepris dans de mauvaises conditions ; nous n’avons pas disposé de temps pour les auditions sur ces sujets pointus soulevant des questions d’éthique fort compliquées, subtiles et ardues. Je souligne néanmoins l’ouverture dont a fait preuve Mme Hermange, qui a accepté certains de nos amendements. La commission a corrigé la proposition sur la recherche interventionnelle, laquelle ne peut être menée sur les personnes ne bénéficiant pas de l’assurance maladie, non plus que sur les enfants si le double consentement n’est pas réuni.

Une commission nationale coordonnera et évaluera l’action des comités de protection des personnes. Madame la ministre, je ne peux qu’être opposé à votre amendement qui la retirerait à la Haute autorité de santé pour la placer sous votre tutelle directe. La répartition aléatoire des projets de protocoles est la seule garantie d’équilibre entre comités. Or depuis 2004, on n’a pas mis en place l’évaluation des comités dont devait dépendre leur agrément. En l’absence de publication de l’arrêté ministériel fixant leur règlement interne, le groupe de travail constitué en 2006 a été suspendu en 2008 sans avoir élaboré de référentiel. Vous disposerez, grâce à la commission, du référentiel qui vous faisait défaut.

Même si certaines dérives ont été contenues, l’article 2 reste en l’état, faute de temps pour une réflexion approfondie. Il s’agit pourtant d’un changement fondamental du financement de la recherche interventionnelle. Il est inacceptable qu’il incombe à l’assurance maladie et que celle-ci ne soit remboursée, quelle générosité !, qu’en cas de commercialisation -encore faut-il que le remboursement soit total.

Or il ne semble pas que toutes les garanties soient offertes sur ce point. L’assurance maladie devient ainsi une sorte de « capital-risqueur », un mécène indifférent au retour sur investissement. J’aurais préféré un mécanisme inverse permettant le remboursement total a posteriori des recherches à finalité non commerciale dont le contenu est rendu public pour toute la communauté scientifique.

Même si je me réjouis que notre commission ait rendu ce texte éthiquement plus acceptable, je ne peux le voter en l’état ; il pervertit en effet l’idée que j’ai de la finalité de la recherche biomédicale et de sa prise en charge.

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