Vos promesses de société anonyme à capitaux 100% publics nous paraissent singulièrement entachées de vacuité

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis maintenant dix ans que l’Union européenne fait des activités postales une marchandise. Avec l’ouverture totale du « marché postal » à la concurrence et la fin du secteur réservé, c’est le service public postal qui se trouve compromis.

Le titre II du projet de loi met fidèlement en œuvre les politiques communautaires. Le titre I va plus loin puisqu’il ouvre la voie à une privatisation totale de l’opérateur historique, alors qu’une telle évolution n’est pas imposée par les traités européens.

En effet, le droit communautaire ne contraint aucun pays à privatiser sa poste. Cependant, en obligeant toute entreprise de service public à s’ouvrir complètement à la concurrence, il impose les « lois du marché » à l’ensemble du secteur concerné en Europe. Dès lors, une entreprise, même publique, est conduite à se comporter comme une entreprise privée.

Nous avons fait état, au cours de ce débat, des politiques menées par la direction de La Poste qui, sous couvert de « se préparer à affronter la concurrence », a fermé, au cours des cinq dernières années, deux bureaux par jour en moyenne, supprimé des milliers d’emplois et précarisé des dizaines de milliers d’autres.

Ce constat ne diminue en rien la lourde responsabilité du Gouvernement et de sa majorité, qui ont soutenu les directives de libéralisation du secteur postal, tant au Conseil européen qu’au Parlement européen.

Hier, le président de la République et le Gouvernement ont détourné la volonté du peuple français, qui s’était exprimé contre le traité de Lisbonne. Aujourd’hui, alors même que la votation citoyenne du 3 octobre dernier a montré à quel point le peuple est attaché à l’exploitant public La Poste et au service public postal, il refuse d’organiser un référendum et préfère avoir recours à la procédure accélérée pour faire adopter son texte par le Parlement.

Monsieur le ministre, vous tronquez le débat, faisant siéger le Parlement dans des conditions inacceptables, pour gagner du temps, alors même que, en raison d’un important absentéisme dans ses rangs, la majorité a recours aux scrutins publics.

Le changement de statut de l’exploitant public La Poste, qui devient une société anonyme, et son assujettissement au droit commun des sociétés vont se faire au détriment des usagers et des personnels. Le drame de France Télécom n’est-il pas significatif des effets dramatiques qu’a entraînés la privatisation d’anciennes entreprises du service public ?

Depuis l’entrée en vigueur de la première directive postale, 250 000 emplois ont été supprimés en Europe, tandis qu’on assistait à une escalade vertigineuse de la précarité de l’emploi, avec les conséquences que l’on sait sur les salaires.

Vous ne cessez de nous « baratiner » au sujet des actionnaires salariés. Pour ma part, je connais surtout des actionnaires salariés pauvres !

Ce passage à la libéralisation totale amplifiera ces phénomènes destructeurs, en raison de l’explosion à venir d’un dumping social et salarial croisé. La libéralisation totale aura également des répercussions nocives sur le service rendu aux usagers, qui devront en payer le prix fort en termes d’augmentation des tarifs et de dégradation de la qualité.

Partout en France, en raison du nouveau système concurrentiel, il y aura encore moins de bureaux de poste et moins de boîtes à lettres, des trajets plus longs pour rejoindre le bureau le plus proche.

Les débats auxquels a donné lieu l’article 2 bis sont significatifs des exigences très modestes du Gouvernement et de sa majorité en ce qui concerne la présence postale territoriale. Les territoires ruraux et les zones sensibles urbaines seront encore fragilisés en raison du remplacement des bureaux de poste par des relais poste. La Poste doit pourtant participer au désenclavement de ces territoires et au renforcement du lien social.

L’article 2 ter, censé apporter une solution pour compenser le désengagement de l’État du financement de la mission de service public d’aménagement du territoire, a simplement montré que le coût de cette mission n’a jamais été évalué à son juste niveau depuis 1990.

Non seulement vous ne réglez pas les problèmes existants, mais, au contraire, vous allez les aggraver et mettre La Poste dans une situation telle qu’elle ne sera plus du tout en capacité d’assurer ses missions de service public.

Dans ce contexte, vos promesses de société anonyme à capitaux 100% publics nous paraissent singulièrement entachées de vacuité… En effet, votre volonté affichée de garantir le caractère de service public national de La Poste sans en tirer les conséquences ni renoncer à votre projet, votre insistance à mettre en avant le caractère « imprivatisable » de l’entreprise, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, constituent autant de manipulations pour détourner l’attention de votre projet politique : privatiser La Poste.

Nous regrettons que certains de nos collègues dans cette assemblée n’aient pas vu les enjeux en présence, qu’ils aient préféré sacrifier leurs territoires pour suivre aveuglément le Gouvernement, et ce au détriment de l’intérêt général. Nous prenons date pour demain !

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