Les pays pauvres ont le sentiment de payer pour la crise économique et financière

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget que nous examinons maintenant constitue l’un des piliers de l’action internationale de la France. Or, comme chaque année, on nous annonce une augmentation de l’effort en matière d’aide publique au développement pour l’année suivante, mais je doute encore une fois que nous y parvenions.

Je regrette profondément la tendance à banaliser le retard pris par la France dans le respect de ses engagements en matière d’aide au développement et par rapport aux autres pays occidentaux. Pourtant, selon le sondage annuel que l’Agence française de développement vient de rendre public, cette année encore, deux Français sur trois pensent que, malgré le contexte de crise internationale, la France doit maintenir, voire augmenter son aide. Seuls 10 % estiment qu’il faut la stopper. La lutte contre la pauvreté ainsi que le réchauffement climatique se trouvent d’ailleurs en tête de leurs préoccupations.

Malgré tout, ce budget baisse inexorablement ; au mieux, il stagne. Quant à ceux qui le voient en augmentation, en dehors de tout ajustement comptable et de glissement d’une mission à une autre, qu’ils m’expliquent comment ils font.

En dépit des « objectifs du Millénaire » fixés par l’ONU, qui, je le rappelle, visent à réduire de moitié la pauvreté pour 2015, le compte n’y est pas !

La France s’est engagée à consacrer 0,7 % de son PIB à terme et 0,51 % en 2010. Le montant de l’aide publique au développement française, comme cela a été confirmé tout à l’heure, sera compris entre 0,44 % et 0,48 % du PIB. Pour 2011, comme l’évoquait notre excellent collègue Michel Charasse, il sera de 0,42 %.

Depuis de nombreuses années maintenant, le projet de budget, lorsqu’il est à la hausse, comptabilise les annulations de dettes. Encore une fois, ce budget ne m’apparaît donc pas sincère.

Pis, les pays pauvres ont le sentiment, à double titre, de payer pour la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques, à aider les grands patrons à garder leurs stock-options et autres bonus. Pourtant, des pays comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, aussi durement touchés que nous par la crise financière internationale, vous en conviendrez, voient leur objectif atteindre 0,6 % de leur richesse nationale en 2010, ce qui dépasse leurs espérances.

L’année 2010 sera marquée par un sommet sur les « objectifs du Millénaire » pour le développement, cinq ans avant la clause de rendez-vous de 2015. Je suis curieux de connaître la position qu’adoptera le Gouvernement pendant ce sommet.

Il est certainement utile, à ce stade de mon intervention, de rappeler à quoi sert l’aide au développement, née lors de la décolonisation.

Elle a pour but d’aider financièrement les pays en voie de développement en vue d’un rééquilibrage des niveaux de développements respectifs ou, autrement dit, de « l’éradication de la pauvreté dans le monde ».

Comme vous le savez, les Nations unies ont précisé dans les « objectifs du Millénaire » les finalités de ces aides, répartis en huit catégories. Je n’y reviens donc pas.

Nous sommes en 2009. Faut-il rappeler que 1,4 milliard de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans le monde, avec moins de 1,25 dollar par jour, qu’un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes, que six millions de personnes dans les pays en voie de développement attendent un traitement contre le SIDA, que, en Afrique plus particulièrement, 800 000 personnes souffrent de la faim et que des milliers d’enfants exécutent un travail harassant ?

L’Afrique sera le premier continent touché. Le directeur de l’Agence française de développement le dit lui-même : « Nous devrons nous accommoder d’une coupe radicale. » Ce constat est d’autant plus alarmant que les faibles moyens consacrés à l’aide française sont de moins en moins utilisés pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, au profit de dossiers tels que la lutte contre l’immigration et la promotion des entreprises françaises. Il n’est pas loin de penser que les ONG sous-traitent la vision humanitaire de l’aide au développement alors que telle n’est pas leur mission.

Le Président Sarkozy avait pourtant promis, à Doha, que l’Afrique serait une priorité. Mais vous avez choisi : aider les pays émergents sous forme d’aides publiques, de prêts ou de dons accompagnés de l’aide d’entreprises françaises et écraser l’Afrique sous forme de prêts, qui ne seront jamais remboursés ! C’est bien pratique lorsque l’on souhaite gonfler les chiffres.

Dans le neuvième Fonds européen de développement, l’Union européenne n’a consacré que 4,5 % à l’agriculture des pays de la zone Afrique, Caraïbes, Pacifique. L’échec est aujourd’hui dramatique. L’abaissement des droits de douane et l’ouverture des marchés, prévus dans ces accords, n’ont pas enrichi l’Afrique, ainsi que nous l’avions fortement dénoncé à cette tribune.

L’agriculture constitue un enjeu majeur pour les décennies à venir. Jacques Diouf, directeur général de l’agence de l’ONU pour le secteur alimentaire, ne cesse de répéter qu’il faut produire là où les gens en ont besoin.

La France et l’Europe doivent réorienter leurs aides pour l’agriculture. Les engagements pris lors du sommet du G8 à cet effet sont appréciables, mais les efforts financiers doivent être plus soutenus et les engagements tenus.

Quant aux crédits consacrés à la lutte contre les changements climatiques - deuxième sujet d’inquiétude des Français -, ils sont loin des 100 milliards de dollars annuels nécessaires pour enrayer la dégradation de la situation à l’échelle planétaire, selon le secrétaire général de l’ONU, que les membres de la commission des affaires étrangères ont rencontré il y a un mois, alors même que, comme je l’ai dit en commission, 1 500 milliards de dollars sont consacrés chaque année dans le monde aux dépenses militaires.

Enfin, je terminerai mon propos en vous disant ma stupéfaction de voir la France participer à cette lamentable assimilation entre immigration et codéveloppement. La CIMADE a fait part à de nombreuses reprises de son inquiétude et de son indignation et a alerté à propos de l’évolution de la coopération française, qui est soumise à une obligation de résultat en matière de régulation des flux migratoires. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez jamais voulu l’affirmer, mais cette condition figure bien dans l’une des conclusions du comité interministériel.

Comme je l’ai dit dans mon intervention dans le cadre de la mission « Action extérieure de l’État », les discours sont en tel décalage avec la réalité des moyens consacrés que cela en est souvent déconcertant. Pis, ils décrédibilisent la France aux yeux du monde entier, surtout vis-à-vis de ses partenaires, et plus particulièrement de nos amis africains.

Pour toutes ces raisons, il est évident que mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même ne voterons pas les crédits de cette mission.

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