Quand le droit communautaire contredit les déclarations de Christian Estrosi

Quand le droit communautaire contredit les déclarations de Christian Estrosi - Modification du statut de La Poste (Friedemann W.-W. - https://flickr.com/photos/e2/)

Monsieur Christian Estrosi
Ministre de l’Industrie
139, Rue de Bercy
75572 PARIS Cedex 12

Monsieur le Ministre,

Mardi 15 décembre, lors de la discussion générale à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi relatif à « l’entreprise publique La Poste et aux activités postales », vous avez indiqué que, suite aux débats en commission, vous avez pris la précaution de vous rendre à Bruxelles pour rencontrer la commissaire européenne chargée de la concurrence, Mme Neelie Kroes.

Elle vous aurait clairement confirmé, ce sont vos mots, que « la France ne pouvait se permettre d’apporter 2.7 milliards d’euros d’argent public à La Poste sans changement de statut de l’établissement, car cela créerait une distorsion aux règles de la concurrence ». Elle vous aurait également dit : « Nous n’en avons pas le droit dans le cadre du droit européen ».

On est en droit de s’interroger sur la sincérité de tels propos quand on sait, que le droit communautaire, lui, ne permet pas de doute. L’article 345 du traité sur l’Union européenne (ex-article 295 TCE) dispose que « Les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ».

De plus, la Cour de Justice des Communautés européennes considère dans son arrêt du 23 avril 1991, HÖFNER que « dans le contexte du droit de la concurrence…la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ». En clair : société anonyme ou établissement public les règles sont les mêmes.

Monsieur le Ministre, vous avez prétendu rapporter les opinions de la commissaire européenne, or il existe une procédure spécifique. L’article 108 du Traité sur l’Union européenne, (ex-article 88 TCE) précise en effet, dans son paragraphe 3 que « La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides.

 Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ».
Avez-vous demandé, à la commission européenne, au titre de cet article, si l’Etat peut apporter en capital à la société anonyme La Poste ce qu’il est censé ne pas pouvoir apporter à l’exploitant public ?

Vous comprendrez dans ces conditions que l’on s’interroge sur la façon dont vous accomplissez le devoir d’éclairage des représentants du Peuple et que nous soyons contraints de vous demander, afin de mettre fin à ces interrogations légitimes, de nous communiquer toutes informations utiles permettant de nous expliquer pourquoi la procédure visée n’a pas été mise en œuvre, et surtout l’argumentaire juridique qui vous permet aujourd’hui d’avancer que le changement de statut de l’exploitant public La Poste serait nécessaire au regard du droit communautaire de la concurrence.

Dans l’attente, nous vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir agréer nos sincères salutations.

Retour en haut