Zone de protection écologique

par Evelyne Didier

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

L’objet du présent projet de loi est de rendre possible la création d’une zone de protection écologique en méditerranée. Ce dispositif original qui se présente comme une « déclinaison » de la zone économique exclusive, devrait permettre, entre autre, d’assurer une meilleure protection du milieu marin et de notre façade maritime méditerranéenne, face aux risques de pollution et notamment les pollutions délibérées.

Ainsi, les dispositions réglementaires en matière de protection de l’environnement, aussi bien préventives que répressives, valables jusqu’ici dans nos eaux territoriales et dans nos zones économiques exclusives, s’appliqueront désormais dans ce nouveau périmètre. Autant dire qu’un tel projet de loi est intéressant ici, tant la Méditerranée, mer prisonnière des terres qui l’encerclent, est particulièrement sensible et vulnérable aux attaques dont elle est victime.

Cependant, l’examen de ce projet de loi intervient après une nouvelle catastrophe qui donne encore plus d’actualité au débat qui nous occupe aujourd’hui.
Une fois de plus, les côtes françaises sont souillées par du fioul lourd, autrement dit, par des résidus de pétrole, hautement toxiques.

Une fois de plus, la catastrophe écologique a des retombées sociales et économiques dramatiques, en particulier pour tous ceux qui vivent de la mer, à l’exemple des ostréiculteurs du bassin d’Arcachon qui en subissent aujourd’hui les conséquences, même s’ils ont pu, depuis quelques jours, reprendre leur commerce.

Dans bien des cas, les réglementations actuelles ne sont pas respectées : combien de navires auront profité, sans scrupule aucun, de la marée noire du Prestige pour se livrer à des rejets polluants sauvages et délibérés ! Pourtant, la France a récemment renforcé sa législation à l’égard des navires commettant des infractions en matière de rejets d’hydrocarbures, notamment par le biais de lourdes sanctions financières et de peine d’emprisonnement.
Mais ne nous leurrons pas. Nous savons que toutes les améliorations du dispositif répressif n’atteindront pas leur but si un effort conséquent en matière de réglementation et surtout de contrôle n’est pas mené à l’échelle européenne et internationale.

Tout doit être mis en œuvre pour interdire la navigation des bateaux « poubelles », battant pavillon de complaisance, des navires ne respectant pas les normes minimales de sécurité, des navires aux équipages soumis à des conditions de travail déplorables et qui sont autant d’Erika ou d’Amoco Cadiz en puissance. Qui peut, aujourd’hui, affirmer que le naufrage du Prestige, ce navire à simple coque âgé de 26 ans, n’était pas prévisible ? Comment ne pas souligner qu’il est le résultat d’un réel laxisme en matière de contrôle du respect des normes de sécurité ?

Car nous avons des textes : Convention de Bruxelles en 1969, Convention créant le FIPOL en 1971, Convention de Marpol en 1973, Convention de Barcelone, Mémorandum de Paris, Convention des Nations-Unies en 1982, paquet Erika I et Erika II, pour n’en citer que quelques-uns. Certes, ils peuvent et doivent être complétés, améliorés et actualisés. Mais, faute de volonté, d’obstination qui devrait se traduire par des moyens au service d’un contrôle permanent et efficace, l’application de la règle ne se fera pas ou se fera mal. La France, qui a pourtant fortement soutenu les « paquets Erika », ne fait pas exception, notamment en matière de contrôles et d’inspections des navires à risque, dont la fréquence est encore trop faible. Des engagements ont été pris en ce domaine. Mais, nous manquons de moyens, tant sur le plan humain que matériel, pour faire face à nos responsabilités. Nous manquons de moyens pour surveiller, contrôler et contraindre au respect des réglementations en vigueur. La grande majorité des bateaux nettoient ses cuves en mer.

Enfin, comment ne pas évoquer, à travers ce débat, le principe du pollueur-payeur, qu’on applique très volontiers et avec pugnacité, aux particuliers, mais qui se trouve mis à mal lorsqu’il s’agit de retrouver et de poursuivre les donneurs d’ordre et les transporteurs de matières dangereuses ? Il n’est pas normal que le coût global environnemental, économique et social, soit principalement à la charge de la collectivité.

Si la question du partage des responsabilités entre le propriétaire du navire, le capitaine, l’armateur et la compagnie d’affrètement n’est pas une question facile. Je pense, pour ma part, que les propriétaires et les affréteurs devraient être reconnus comme les responsables au premier chef, lorsque de tels accidents se produisent.
Cela suppose donc de pouvoir les identifier clairement. Aucun des deux ne peut en effet ignorer l’état du bateau qu’il fait naviguer et, en conséquence, le danger potentiel qu’il représente. Et là, je veux poser quelques questions :
 Qui sont les véritables propriétaires des navires et/ou des frets ? (Le propriétaire du Prestige semblait être un fantôme !)
 Sont-ils assurés ?
 Quelles sont les garanties ?
A propos des indemnisations, je voudrais souligner ici la faiblesse des sommes versées aux victimes par le FIPOL.
Il serait tout à fait nécessaire d’augmenter les contributions des compagnies pétrolières.
Toujours à propos d’indemnisation, savez-vous que les affréteurs du Prestige sont déjà remboursés par leurs assurances ? !!!!!

Et pourtant, on peut affirmer que les catastrophes ne sont pas inéluctables. Dès 1990, les Etats-Unis ont imposé les navires à double coque, mais surtout, ils ont instauré le principe de responsabilité illimitée au tandem, armateur/affréteur, exigeant une garantie financière des navires entrant dans leurs eaux.
Il est évident que la nécessité de responsabiliser l’ensemble des acteurs du domaine du transport maritime, y compris les Etats, devra être clairement posée, au risque de subir, dans quelques temps, une nouvelle catastrophe.
Il était bon de rappeler dans quel contexte nous débattons de ce projet de loi.

Bien entendu, ce texte améliore notre dispositif réglementaire.
Bien entendu, nous le voterons.
Mais ne nous trompons pas : si ce texte est adopté, ce que je crois, nous aurons seulement fait un pas.
Reste à mettre en place, en France, en Europe et dans le monde, une même règle qui mettra définitivement hors jeu les bateaux poubelles et obligera les navires à respecter leur environnement

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