Un acte antidémocratique

Un acte antidémocratique - Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (deuxième lecture) : question préalable

Censuré par le Conseil constitutionnel, entaché de lourds soupçons sur l’honnêteté de la démarche, statistiquement infondé, désavoué par le Conseil d’État, refusé en première lecture au Sénat, passé en force à l’Assemblée nationale par le vote bloqué... Aujourd’hui le fameux texte sur le découpage est de retour. Parler de passage en force serait un euphémisme, brutalité institutionnelle est une expression trop tendre. Il s’agit plutôt d’un acte antidémocratique.

Monsieur Marleix, on a fait référence à votre rôle dans le triste redécoupage de 1986, considéré comme indépassable en termes manipulation électorale... jusqu’à ce nouvel exploit ! La censure du Sénat le montre bien, votre projet créé un véritable trouble au sein même des élus de droite. Certains des membres de votre majorité n’hésitent pas à dénoncer ce texte ; d’autres restent silencieux car ils reçoivent un lot de consolation. Bien sûr, il n’en va pas de même pour les élus de gauche. Comme pour les conseillers territoriaux, le Gouvernement tente par tous les biais de capter tout le pouvoir, au mépris des principes démocratiques les plus essentiels. Si 35 % des députés socialistes ne sont pas concernés par les ajustements, ils sont 45 % dans les rangs de l’UMP : étrange !

Le texte n’a pas fait non plus l’objet d’une réelle expertise, neutre et objective. Si l’on appliquait les règles du nouveau redécoupage aux dernières élections législatives, l’UMP aurait gagné vingt sièges et serait ainsi l’unique et grand vainqueur de cette manoeuvre. Le Nouveau Centre ne gagnerait aucun député et le groupe socialiste en perdrait onze... Sur les 33 circonscriptions qui seraient créées, neuf iraient à la gauche et 24 à la droite.

Enfin, les règles de représentativité démographique ne sont absolument pas respectées. Une circonscription comprendra 60 000 habitants dans les Hautes-Alpes mais 146 000 en Seine-Maritime. Les nombreuses inégalités dénoncées au cours du débat sont très symptomatiques de votre volonté de favoriser telle force politique au détriment de la souveraineté populaire. Il faudrait 51,4 % des voix aux législatives pour que la gauche obtienne la majorité !

Vous mettez en place en toute conscience un système où, malgré les élections, le pouvoir peut rester dans les mains d’une minorité. Cela s’appelle l’oligarchie.

Un découpage vraiment démocratique et transparent devrait être réalisé par une institution autonome et non pas par l’expert du découpage électoral du parti au pouvoir.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. - Je ne le suis plus.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Cette institution devrait réfléchir au mode de scrutin à utiliser, à un découpage respectueux de la démographie, à une représentativité au plus près des citoyens. Elle disposerait des plus récentes données statistiques et démographiques. Au lieu de quoi, ce redécoupage a été fait dans la plus totale opacité, sans même que l’on puisse s’accorder sur des données chiffrées objectives.

Nous ne savons même pas sur quelles bases vous avez effectué vos calculs, selon quelle méthodologie, avec quels indices de représentativité, en chargeant quelles personnes de traiter les données, si elles étaient qualifiées pour cette tâche, quels gages d’indépendance elles avaient donnés. En l’absence de réponses circonstanciées et précises à ces questions, il nous paraît impossible de débattre sur ce texte.

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