La richesse démocratique de nos communes en danger

La richesse démocratique de nos communes en danger - Réforme des collectivités territoriales : création des conseillers territoriaux

Je dirai quelques mots au sujet de cette nouvelle invention du Gouvernement que sont les conseillers territoriaux, et je pointerai quelques-uns des multiples aspects antidémocratiques de cet article 1er.

Les conseillers territoriaux vont donc être élus, pour 80 % d’entre eux, dans le cadre d’un attachement au territoire et d’une culture départementale – cela les rendra sans doute soucieux des problèmes locaux –, mais au sein de nouvelles circonscriptions cantonales découpées au profit d’on ne sait qui ni quoi. Les 20 % restants seront élus à la proportionnelle. Seront-ils plus régionaux dans l’âme ? Nous n’en savons rien !

Cette réforme crée un vrai déséquilibre, et je crois qu’il existe un risque réel d’accentuer un glissement de la décision vers les fonctionnaires des départements et des régions eu égard à la diminution du nombre d’élus et à la diversité des compétences concernées.

Par ailleurs, l’habitude, qui sera vite prise, de travailler ensemble sur les dossiers départementaux et régionaux risque de conduire rapidement au but recherché à travers ce projet de loi, à savoir la gestion globale au niveau régional, avec pour conséquence un effacement progressif des départements.

La réduction de moitié du nombre des élus départementaux et régionaux enlève toute souplesse au système, qui prétend concilier la proportionnelle et le scrutin majoritaire cantonal. Elle porte une atteinte sans pareille à la démocratie de proximité.

Si nous décidions de retenir une proportionnelle pour 50 % des sièges, au lieu de 20 %, tout en restant dans le cadre du système envisagé, les cantons seraient cinq à six fois plus grands qu’aujourd’hui et conduiraient à élire des « micro-députés », ce que personne ne souhaite dans cette assemblée.

La proportionnelle intégrale n’a peut-être pas toutes les vertus, mais elle permet de garantir la meilleure représentation des diverses sensibilités politiques et donc de rapprocher le citoyen du politique. Elle garantit aussi la parité. Elle permet d’assurer des majorités stables, au moyen de la prime à la liste majoritaire, comme en témoigne d’ailleurs le fonctionnement actuel des régions.

Quant au mode de scrutin majoritaire à un seul tour, je me demande bien quel conseiller du Gouvernement a pu imaginer le plus aberrant, le plus anti-démocratique, en vérité le plus inimaginable des modes de scrutin, celui qui verrait l’élection de candidats n’ayant jamais obtenu de majorité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est également le cas avec la proportionnelle !

M. Gérard Le Cam. Ce mode de scrutin interdit toute alliance, donc toute solidarité, au sein des grandes familles politiques. En revanche, il contraindra à des arrangements malsains entre les partis, avant même l’expression populaire.

Ce texte tuera la richesse démocratique de nos communes, particulièrement celle de nos communes rurales, qui vont perdre leur identité. Le bénévolat des élus et du monde associatif, ainsi que l’esprit communal, qui permet à chacun « de se sentir de quelque part », tout cela va être anéanti par ce texte qui, sous prétexte de simplifier le mille-feuille, ne fait qu’en retirer la crème – les services aux habitants, les investissements publics, les services publics – pour ne laisser subsister qu’une pâte sèche, une ruralité exsangue, aux côtés de métropoles et de pôles métropolitains qui capteront l’essentiel des subventions, et cela tout en ajoutant encore deux étages au mille-feuille.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aujourd’hui, la France est essentiellement urbaine…

M. Gérard Le Cam. Voilà la France des inégalités que nous prépare M. Sarkozy. Nous ne pouvons que combattre pied à pied ce texte, qui porte atteinte à l’héritage de 1789 et à la décentralisation des années 1980. Mais il est vrai que le Président a l’habitude de récrire l’Histoire : il s’en est déjà pris à mai 1968 et à l’ensemble des acquis du programme du Conseil national de la Résistance…

L’Histoire de France, en particulier celle de nos collectivités territoriales, n’est pas un tableau Velleda où un simple coup de chiffon suffit à effacer ce qui est écrit ! Ce qu’il faut effacer, c’est ce projet de loi, à commencer par son article 1er !

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