Une sanction injustifiée, mauvais présage pour l’avenir de la Gendarmerie

Monsieur Jean-Hugues Matelly
Chercheur associé
Centre de Recherches Sociologiques sur le
Droit et les Institutions Pénales
43 rue Boulevard Vauban
78 280 GUYANCOURT

Monsieur,

Je vous écris afin de vous affirmer mon soutien suite à la radiation des cadres de l’armée dont vous avez fait l’objet.

Cette mesure disciplinaire a été prise à votre encontre par décret du Président de la République pour le seul motif de manquement grave à l’obligation de réserve alors que vos états de service sont remarquables au dire de votre supérieur hiérarchique. Elle est disproportionnée, relève d’une interprétation abusive du devoir de réserve auquel sont astreints les militaires et constitue un mauvais présage pour l’avenir de la Gendarmerie.

Cette sanction n’a été appliquée jusqu’à présent qu’à l’égard de gendarmes corrompus ou délinquants quand votre seul tort n’a été que de défendre l’institution à laquelle vous apparteniez et dont vous pensiez, à raison, voir l’existence menacée par le projet de loi portant dispositions relatives à la Gendarmerie dans une tribune cosignée, le 30 décembre 2008, avec vos collègues chercheurs, Christian Mouhanna et Laurent Muccieli, et intitulée « la gendarmerie enterrée dans l’indifférence générale ».

Vous y défendiez que, depuis l’abandon de la police de proximité par la majorité arrivée au pouvoir en 2002, la Gendarmerie était la seule à remplir « le rôle social dévolu à tout individu chargé du maintien de l’ordre et de la sécurité ». Vous y affirmiez que ce rapprochement entre Police et Gendarmerie au sein du ministère de l’Intérieur visait à ce que « les gendarmes s’inscrivent mieux dans le modèle actuellement prôné de la police d’autorité ». Pour ma part, j’avais dénoncé, devant le Sénat, lors de l’examen de ce projet de loi, le 17 décembre 2008, cette « absorption à terme de la gendarmerie par la police et le déséquilibre des missions en leur défaveur » et refusé « la mise en œuvre de la politique du tout sécuritaire » qui en découle.

Outre nos convergences de point de vue concernant la disparition programmée des missions et de l’esprit propre à la Gendarmerie par un projet de loi dont l’adoption est à déplorer, la critique formulée au sein d’une institution permet bien souvent de l’enrichir et de lui permettre de mieux s’adapter aux défis auxquelles elle est confrontée. C’est la raison pour laquelle je plaide, en somme, comme vous, pour une plus grande liberté d’expression des responsables militaires.

Je mettrai, ainsi, en œuvre tous les moyens qui sont à ma possession pour faire la lumière sur cette radiation et je tiens à vous informer, qu’en tant que membre de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat, j’ai demandé l’audition des ministres de l’Intérieur et de la Défense concernant cette mesure disciplinaire exceptionnelle et disproportionnée.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

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