Un combat qui est toujours d’actualité

Monsieur le Président,
Monsieur le Président d’honneur, cher Henri Alleg,
Chers Amis,

Je voudrais, en vous accueillant au Sénat, vous dire combien je suis honoré que vous m’ayez demandé de présider ce temps fort que constitue la présentation de votre Manifeste à la presse et aux associations.

D’abord, parce que votre mobilisation, d’une singulière actualité, me renvoie aux fondements de mon propre engagement militant : ma prise de conscience d’adolescent à partir de la guerre d’Algérie qui a marqué ma mémoire et fait du combat anticolonialiste un repère à jamais incontournable.
Au-delà, bien entendu, parce que le Parti Communiste Français, dont je suis fier d’être membre depuis l’âge de 19 ans, est de ceux qui placent au centre de leur combat l’aspiration des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’amitié et la solidarité entre ceux-ci.

Enfin, parce que j’ai une immense admiration pour Henri Alleg, pour ce qu’il a accompli, pour son inestimable contribution à la cause de la paix et de la dignité humaine.

De par mon histoire personnelle et mon parcours politique, il est naturel que je fasse miens vos objectifs : Non seulement combattre le déni du passé colonial de notre pays mais y compris toutes les nouvelles formes de colonialisme qui oppriment encore de nos jours : soutien à des dictatures, poursuite du pillage des richesses naturelles des anciennes colonies, engagement des soldats français dans la guerre américaine en Afghanistan, en Afrique, au Proche-Orient…

Et au chapitre de nos vigilances communes, je voudrais évoquer aussi les signes, ténus ou flagrants mais nombreux, de réappropriation des thèses négationnistes ou fascistes : Un portrait de Pétain dans une mairie, des édifices à la gloire des activistes de l’OAS dans des cimetières ou sur des places, des débats nauséabonds sur l’identité nationale organisés sur ordre dans les préfectures, des partis d’extrême droite qui relèvent la tête en Europe…

J’ai vécu très concrètement le mensonge, le négationnisme d’État au cours de mes mandats de sénateur, en quelques circonstances symboliques qui m’ont particulièrement marqué :
Je pense au temps et à l’énergie qu’il aura fallu, aux nombreuses propositions de lois déposées par mon groupe, pour obtenir enfin, un soir du 5 octobre 1999, l’adoption d’une proposition de loi remplaçant le vocable d’ « opérations » par le terme « guerre d’Algérie » !

Je pense aussi à la tristement célèbre loi du 23 février 2005, que le groupe communiste du Sénat a été bien seul à dénoncer, à son article 4, heureusement retoqué par le conseil constitutionnel, qui gravait sur le marbre de la loi les bienfaits de la colonisation ; ce texte a également permis d’indemniser des assassins de l’OAS et de créer une « fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie » qui permettra, à l’aide de très gros moyens, aux nostalgiques de l’Algérie française de réécrire l’histoire à leur façon.
Plus récemment, le négationnisme s’exprima encore au Parlement, avec le débat sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

J’ai dû voter contre une loi en trompe-l’œil, qui indemnisera au compte-goutte quelques militaires français et n’accordera aucune réparation aux populations saharienne et polynésienne, qui ont vu leur environnement irrémédiablement saccagé et leurs populations civiles contaminées.

Pour avoir relayé ces luttes, pour avoir entendu, y compris sur les bancs du Sénat, des discours revanchards et ouvertement pro-colonialistes, je mesure combien vos engagements sont d’actualité.

Comment ne pas citer Henri Alleg qui disait, il y a peu, dans les colonnes de l’Humanité : « l’anticolonialisme aujourd’hui, c’est le refus de toute réécriture officielle du passé colonial. C’est le combat contre la soumission des peuples… ».

Ce combat, dans lequel je vous rejoins, c’est aussi celui du peuple palestinien martyr, des Français des Antilles, toujours sous la domination économique sans partage des descendants des colons esclavagistes, du peuple Haïtien dénué de tout que le séisme a enfoncé plus encore dans un jeu de recolonisation rampante et de tant d’autres, hommes et femmes, auxquels le néocolonialisme dénie encore aujourd’hui le droit élémentaire à disposer d’eux-mêmes.

Pour votre rôle de sentinelles vigilantes sur les cendres d’un empire colonial multiforme qui n’en finit pas de renaître, je salue en vous une capacité de créer résistance et espoir.

Le Manifeste que vous allez nous présenter permettra, je l’espère, de gagner de nouvelles volontés à la cause de la solidarité et de l’amitié entre les peuples.

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