Aucun mécanisme ne garantit vraiment la protection du patrimoine personnel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte élaboré par la commission mixte paritaire ne nous a pas conduits à modifier le regard que nous avons d’emblée porté sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Certes, il est temps de remettre en question le dogme de l’unicité du patrimoine pour assurer aux entrepreneurs et à leur famille une protection en cas de faillite. Mais revenir sur une des pierres angulaires du droit civil français en instituant un « patrimoine affecté » ne suffit pas.

Pour porter ses fruits, cette petite révolution de la théorie du droit aurait dû s’accompagner d’une protection du patrimoine personnel des entrepreneurs et organiser leur accès réel au financement.

Or il n’en est rien. Le texte ne prévoit aucun mécanisme destiné à garantir vraiment la protection du patrimoine personnel.

La déclaration d’insaisissabilité a même failli disparaître, et il est heureux que la commission mixte paritaire ait adopté un amendement visant à supprimer l’article prévoyant l’extinction de ce mécanisme.

En ce qui concerne l’accès au crédit, le texte n’empêche absolument pas les banques de demander des sûretés réelles assises sur le patrimoine personnel des entrepreneurs.

On essaie de nous convaincre que les dispositions relatives au statut d’OSEO, adoptées sans vrai débat et retenues par la commission mixte paritaire, sont destinées à donner à cet organisme les moyens « de jouer pleinement son rôle dans le soutien aux entreprises et ainsi de permettre le succès de l’EIRL » en leur assurant un accès au crédit.

Nous ne sommes pas dupes. En fait, ces dispositions n’ont aucun lien avec le projet de loi et ne visent pas les finalités évoquées par M. le rapporteur. Cela a été rappelé lors des travaux de la commission mixte paritaire, comme l’a souligné M. Richard Yung qui avait, comme nous, déposé un amendement de suppression de ces dispositions.

La version finale du projet de loi ne nous convient donc pas davantage que sa rédaction initiale. Elle nous semble même encore moins satisfaisante. Ainsi, les modifications apportées à l’article 1er, relatif à l’opposabilité de la réduction du gage consécutive à la création d’un patrimoine affecté aux créanciers dont les droits sont nés avant cette affectation, ne nous paraissent pas être de nature à garantir une information suffisante desdits créanciers.

Le nouvel article 1er adopté en commission mixte paritaire prévoit une opposabilité de l’affectation et entend l’encadrer en assurant l’information des créanciers, mais il renvoie à l’adoption d’un décret l’organisation des modalités concrètes de cette information. Nous ne pouvons que déplorer cette délégation au pouvoir réglementaire qui a manifestement constitué la seule solution pour que la commission mixte paritaire trouve une issue à ce blocage. Concrètement, cette question reste en suspens.

L’article 1er bis AA donne aux mineurs la faculté de créer une entreprise individuelle et d’être ainsi titulaire d’un patrimoine d’affectation. Cet article modifie donc substantiellement quatre articles du code civil et un article du code de commerce, une nouvelle fois sans qu’un réel débat ait eu lieu et sans que l’on ait pris le temps de mesurer les conséquences de ces révisions.

Le Gouvernement cautionne ces modifications, considérant que que, à l’heure actuelle, les jeunes « veulent créer leur entreprise » et que doit cesser la « défiance française envers les entreprises ». Le risque d’instrumentalisation des enfants par des parents qui pourraient être tentés de les utiliser pour créer des patrimoines d’affectation ne paraît avoir retenu l’attention de personne.

Dans la mesure où nous n’avons pas la certitude que le statut de l’EIRL constituera une réelle opportunité pour les 1,4 million d’entrepreneurs exerçant en nom propre – auxquels il faut ajouter 320 000 auto-entrepreneurs –, nous voterons contre ce texte.

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