Urbanisme, habitat et construction

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Un grand projet de loi portant sur les questions de l’habitat est annoncé. La question de la politique de la Ville est en passe d’être repensée par le Ministère de M. BORLOO. Et nous voici confrontés à la discussion d’un projet de loi dont l’apparence première est celle d’être un ensemble disparate de mesures sans lien trop évident entre elles.

Vous nous présentez des dispositions relatives au droit de l’urbanisme, venant adapter, selon vous, les dispositions de trois textes de la précédente législature sur le sujet, c’est à dire la loi Voynet sur l’aménagement et le développement durable, la loi Chevènement sur le développement de la coopération intercommunale et la loi Gayssot sur la solidarité et le renouvellement urbains, textes pour lesquels, si j’ai bien compris, vous nous proposerez prochainement des modifications. Pourquoi ne pas avoir attendu le prochain texte avec toute la cohérence que cela demande ?

Il est vrai que les dramatiques accidents survenus dans le courant de l’année 2002 nécessitent une réponse sur les dispositions à prendre pour assurer la sécurité du parc d’ascenseurs installés dans les immeubles d’habitation et les immeubles destinés aux activités économiques.
Nous avons également dans ce projet de loi des dispositions relatives au fonctionnement des organismes collecteurs de la participation des entreprises à l’effort de construction dans un contexte marqué notamment par le regroupement d’un certain nombre d’entre eux.

Enfin, deux chapitres viennent compléter le projet de loi, l’un relatif aux activités des organismes HLM en qualité de gestionnaire pour compte de tiers et l’autre relatif (retour sur le titre premier en quelque sorte) à la question des pays en termes d’aménagement du territoire.
On observera d’ailleurs que cet ultime titre du projet de loi a été totalement introduit par voie d’amendements dans le cadre de la discussion à l’Assemblée Nationale, ce qui souligne en fait quelque peu encore plus le caractère « ramasse-tout » du présent texte.

Une analyse superficielle du présent projet de loi pourrait nous conduire à en rejeter les éléments essentiels, du fait notamment de ce caractère disparate.
Mais les choses ne sont pas si simples.
En effet, on peut reconnaître au texte au moins une vertu : celle de tenter, autant que faire se peut, de répondre, à certaines questions posées récemment et l’on pense évidemment ici au titre premier du projet de loi qui, sous certaines aspects, tend à proposer une solution aux difficultés nées de l’application conjointe des trois textes que vous prétendez remettre en cohérence.

Et même si ces textes sont loin d’avoir fait l’unanimité dans cette assemblée, les apports au droit des collectivités locales dans le domaine de l’urbanisme, la volonté qu’ils expriment d’aménager notre territoire national en étant plus respectueux de notre environnement, la nécessaire solidarité entre les territoires qu’ils permettraient enfin de traiter, méritent que l’on s’attache plus à en améliorer l’efficacité, plus qu’à les remettre en question.

Pour ma part, je m’attacherai donc, dans le cadre de cette intervention, à regarder d’un peu plus près les dispositions relatives au droit de l’urbanisme comprises dans le périmètre de ce projet de loi.
Première observation, assez fondamentale.
Nous avions débattu le 12 novembre dernier d’une proposition de loi portant modification de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains et concernant à la fois l’application du droit de l’urbanisme et surtout les dispositions relatives à la mise en œuvre d’un objectif essentiel, celui de la mixité sociale.
Force est de constater que, quatre mois et demi plus tard, la partie de cette proposition de loi, que nous avions combattue, celle relative à l’article 55 de la loi SRU semble avoir quelque peu disparu, n’en déplaise à notre collègue Rapporteur de la commission des Affaires Economiques, auteur de la proposition de loi.
Que l’on ne s’y trompe pas, ce fait n’est pas survenu de la seule volonté du Ministère de ne pas remettre en cause l’équilibre trouvé dans le cadre de la loi SRU en matière de réalisation de logements sociaux.

Sans l’avis unanime du Haut Comité au Logement des Personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, sans la mobilisation des associations de défense des sans - abri, de l’ensemble de ceux qui agissent pour le droit au logement, jamais ce Gouvernement n’aurait été amené à freiner l’enthousiasme de certains des membres de sa majorité à défaire dans les délais les plus brefs ce qui avait pu être construit durant la précédente législature. Il me semble d’ailleurs que lors du débat sur la proposition de loi de M. BRAYE, Monsieur le Ministre avait exprimé des réserves et s’en était remis à la sagesse de notre assemblée.

Les parlementaires du groupe Communiste Républicain et Citoyen prennent acte de cette évolution qui justifie pleinement, a posteriori, la position qu’ils avaient pu exprimer à l’automne.
Mais, évidemment, cela ne règle pas tout à fait le problème.
Le combat, si l’on peut dire, n’est pas achevé et nous pouvons penser que la fièvre qui avait pu animer certains à l’automne trouve aujourd’hui de nouvelles formes permettant, de manière indirecte, de remettre encore en question les objectifs de solidarité et de renouvellements urbains qui figurent désormais dans notre droit.
Certaines des dispositions adoptées par l’Assemblée Nationale posent en particulier question de ce point de vue, et nous avons quelque peu l’impression - qu’au motif de préserver l’intérêt paysager ou encore de respecter certaines contraintes de construction - on ne finisse par remettre en cause tout programme concerté de réalisation de logements sociaux abordables pour les demandeurs et même pour les accessions sociales à la propriété, dont tout le monde considère pourtant qu’elle correspond bien à l’état d’esprit des Français, à l’attente de nos concitoyens.
Même si l’on peut faire confiance à l’intelligence des élus locaux pour faire face aux défis du développement urbain, on peut aussi craindre que certaines mesures n’incitent de nouveau à la remise en question d’un véritable droit au logement, qui viendrait contredire un droit de l’urbanisme « adapté » aux attentes du temps.

Nous ne croyons pas à l’incompatibilité entre développement urbain raisonné, durable et équilibré et réponse adaptée à la demande sociale en matière de logement.
Nous sommes tous ici suffisamment instruits des dérives d’un aménagement urbain déséquilibré et ségrégatif pour savoir ce qu’il convient aujourd’hui de repenser, de ne plus faire et quelles orientations on peut fixer pour répondre aux attentes de la population.
Nous ne pouvons d’ailleurs que regretter, mais ma collègue et amie, Odette TERRADE, y reviendra, qu’aucune disposition essentielle ne soit préconisée dans ce texte pour faire face à la demande sociale en matière de logement.
Cela se passe un petit peu comme si l’on avait oublié, un peu trop vite, que la question du développement urbain n’est pas qu’un problème de densité des constructions (outre le fait que la densité n’est pas nécessairement le fait que des ensembles de logements locatifs sociaux) mais aussi un problème de droit à l’habitat, de droit à la ville pour les demandeurs de logement et leurs familles.
C’est d’ailleurs dans ce sens que nous nous sommes positionnés dans ce débat.

Ce qui revient d’ailleurs à caractériser ce texte comme insuffisant de ce point de vue.
Ce projet de loi reste donc au milieu du gué, concernant les débats ouverts aujourd’hui en matière de logement, d’habitat, de développement urbain, et ne fait donc qu’effleurer les préoccupations réelles qui s’expriment dans le pays. Quel aménagement souhaitons-nous dans notre pays ? Quelles qualités de services sommes-nous prêts à mettre en place ? Quelle qualité de vie voulons-nous construire pour la population ? Autant de questions dont on sait bien qu’elles sous-tendent des choix de société.
Ou nous choisissons de poursuivre dans la voie d’une organisation territoriale regroupant les populations les plus modestes, les populations qui sont « piégées » dans des quartiers où la vie devient chaque jour plus difficile. Ou nous travaillons à une conception d’aménagement permettant aux populations de vivre dans la diversité sur le territoire de chacune de nos communes.
Nous aurons l’occasion, dans le cadre de la discussion sur les articles, d’y revenir.

Mais pour rester dans le temps qui m’est imparti, un seul exemple, la question du devenir de la participation des entreprises à l’effort de construction, la mal nommée « 1% », qui n’est plus que de 0,35%, je crois, ne se pose pas qu’en termes de contrôle et d’agrément administratifs, même si quelques exemples plus ou moins récents ont montré la nécessité de ces mesures.
Elle se pose également quant aux affectations du produit de la collecte et du retour de celle-ci, ces deux éléments constituant la base de la liquidité des fonds gérés par les CIL, et notamment quand l’on s’interroge sur le devenir de structures comme les foyers de travailleurs migrants ou sur l’implication des collecteurs dans la politique nationale de requalification urbaine.

Elle se pose notamment dans les droits dévolus aux salariés eux-mêmes pour connaître de l’affectation des sommes collectées, au mieux des intérêts et des spécificités des demandeurs de logement.

Ce projet de loi laisse donc, outre son caractère assez disparate, une impression d’inachevé.
Espérons que la discussion de ce texte dans notre Haute Assemblée permette de porter le débat à son juste niveau.
C’est en tout cas dans ce sens que les parlementaires du groupe Communiste Républicain et Citoyen interviendront.

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