Urbanisme, habitat et construction (2)

par Odette Terrade

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Ainsi que l’a souligné ma collègue et amie Marie-France BEAUFILS, dans notre première intervention, ce projet de loi portant dispositions diverses relatives à l’urbanisme, l’habitat et la construction ne comprend pas de mesures significatives sur les questions du logement, questions pourtant essentielles aux yeux de nombre de nos concitoyens et qu’un quotidien national rappelle aujourd’hui à l’occasion des assises du logement en Ile de France.
La réalité de la demande sociale, de l’inadaptation de l’offre, compte tenu des tensions existant sur le marché sont autant d’éléments rendant de notre point de vue indispensables la mise en œuvre de mesures adaptées.
Quelques exemples.

On a encore du constater tant en matière de construction neuve que de réhabilitation de logements sociaux, une insuffisance dans la consommation des crédits ouverts dans les lignes du Ministère du Logement.
Pour autant, certains objectifs essentiels ont été atteints de manière relativement satisfaisante et je pense entre autres à la réalisation de logements sociaux dans le droit fil des dispositions de l’article 55 de la loi SRU, relatif à la mixité sociale, montrant d’ailleurs la pertinence de ces dispositions.

Mais nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation où la demande sociale demeure forte, où de nombreux chantiers de réhabilitation ne sont pas encore ouverts, où de nombreuses familles continuent d’attendre de longues années avant de disposer d’un logement décent. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de voir la présence d’un nombre croissant de personnes sans abri, victimes entre autres de la précarité des conditions de vie et d’emploi.

Ainsi, pour la région Ile de France, ce sont à peine 32 000 logements qui ont été réalisés tandis que 315 000 demandeurs de logements sont recensés !
Or, ce texte, malgré certaines intentions, ne propose aucune solution adaptée et réelle. Ces situations dramatiques vécues douloureusement pour un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens.

Tout au plus nous invite-t-il à porter, regard, sur la gestion des organismes collecteurs de la participation des entreprises à l’effort de construction, ce qui semble un objectif louable mais ne règle évidemment pas la question récurrente de l’affectation socialement juste du produit de la collecte et de son exploitation.
De même, il comporte certaines dispositions propres au secteur du logement HLM mais qui ne modifient qu’à la marge (puisqu’il s’agit de la gestion pour le compte de tiers ou des opérations de vente de logements) les conditions générales de développement de l’activité de ces organismes qui sont d’une autre nature.

En effet, même si le projet de loi peut offrir une certaine forme de sécurité juridique à l’activité de gestion déléguée des organismes HLM, il ne règle rien des questions de formation des loyers, de surcharge fiscale, de financement direct des investissements des organismes concernés.
On nous explique que tout cela viendra dans le cadre d’un autre projet de loi, à portée plus ambitieuse, et consacré au problème de l’habitat de manière générale, mais pourquoi ne pas avoir, dès ce projet de loi, posé une partie des questions que nous venons de rappeler et tenté d’y apporter réponse ?

Par contre, nous ne pouvons examiner sans quelques préoccupations les dispositions relatives à la sécurité des constructions.
En effet, la mise en œuvre d’une vaste (et au demeurant nécessaire) opération de remise aux normes de sécurité des ascenseurs va indubitablement poser des questions de financement.

Si les ascenseurs situés dans les immeubles à vocation industrielle, commerciale ou tertiaire bénéficient a priori du financement « actuel » une peut constituer entre autres la déductibilité de la TVA, la question se pose dans d’autres termes pour ce qui concerne les immeubles d’habitation, qu’il s’agisse d’ensembles de logements sociaux comme de copropriétés.
Certaines estimations circulent d’ores et déjà : on parle notamment d’un coût global de 4 milliards d’euros pour l’ensemble du parc d’ascenseurs.

Solliciter, comme cela semble prévu, les crédits PALULOS ou les subventions ANAH pour faire face au surcoût engendré paraît quelque peu audacieux.
Quand on examine en effet les lignes budgétaires ouvertes, dans vos propres crédits, Monsieur le Ministre, sur les articles concernés, on arrive à un total annuel en crédits de paiement inférieur à 900 millions d’euros, ce qui situe immédiatement le niveau des besoins conditionnés par la mise aux normes des cages d’ascenseur.

Il faudra bel et bien trouver une réponse adaptée, à la fois juridique, technique et financière, pour poursuivre les objectifs de cette partie du texte, d’autant que l’on a adjoint à ce titre des articles relatifs à la prévention des émanations de monoxyde de carbone par les appareils sanitaires.

Nous y reviendrons dans le cadre du débat sur articles.
Cependant, quand on examine effectivement la question du logement dans notre pays, et que l’on prend en compte la réalité et la teneur du présent projet de loi, force est de constater que d’autres orientations doivent, dans les meilleurs délais, être imprimées à la politique publique dans ce domaine.

C’est dans cet esprit que les parlementaires du Groupe Communiste Républicain et Citoyen ont déposé, dans le cadre de la discussion de ce texte, un certain nombre d’amendements tendant à la mise en œuvre de mesures adaptées à la situation du logement dans notre pays.
Sans préjuger de trop de la teneur des éléments que nous fournirons à l’appui de ces amendements le moment venu, nous tenons d’emblée à vous indiquer dans quel esprit ils ont été déposés.

Les politiques publiques doivent, à notre sens, être orientées dans les années à venir à partir des besoins effectifs des locataires et des demandeurs de logement.
Il s’agit en particulier (et c’est le sens de nos amendements portant sur les plafonds de ressources par exemple) de faire en sorte qu’un plus large panel de salariés et de demandeurs ait accès au logement social, garantie pour favoriser une plus grande mixité sociale au sein des locataires et éviter notamment le processus de paupérisation que nous devons déplorer depuis maintenant plusieurs années, dans de nombreux quartiers de nos banlieues.

Il s’agit d’ailleurs dans le même cadre de faire en sorte de répondre à une demande sociale que la simple application de la loi du marché immobilier, marqué par la flambée des loyers (plus 15 points sur Paris en un an), ne permet pas de satisfaire.
Dans un autre ordre d’idées, les mesures relatives à l’attribution des aides personnelles au logement participent d’un objectif de solvabilisation des familles que l’on ne peut que partager, ne serait-ce que pour éviter aux familles concernées les difficultés nées des ruptures de versement d’allocation et de la naissance subséquente de difficultés de paiement du loyer qui peut en résulter.
Ces propositions que nous versons au débat et que nous formulons dans le cadre de ce texte participent donc de ces objectifs fondamentaux : permettre une mise en œuvre plus aisée du droit au logement pour tous, éviter l’accroissement intolérable du poste logement dans le budget des familles et défendre le principe d’une mixité sociale réelle.

C’est autour de ces axes que nous proposons un certain nombre d’amendements au présent projet de loi.
Une partie des critiques est déjà connue :
On va sans doute nous rétorquer que ce projet de loi n’en est pas l’occasion réelle, que le moment n’est pas venu, que cela n’a pas nécessairement de rapport avec la teneur d’un texte pour le moins disparate et qui ne semble viser qu’à répondre à un certain nombre de questions ponctuelles se posant dans divers domaines.
Nous ne le pensons pas !

Même si nos concitoyens peuvent être intéressés par le devenir de la cohérence de l’urbanisation ou sensibles à la sécurisation des ascenseurs (certains accidents récents montrent, hélas, l’acuité du problème), ils sont également, comme nous l’avons indiqué, particulièrement sensibles à la question du logement, dans l’ensemble de ses paramètres.
Il y a donc pour nous nécessité d’apporter des réponses circonstanciées et adaptées à cette question du logement.
Je me permettrais d’ailleurs de souligner, au terme de cette intervention, les auspices sous lesquels s’annonce, compte tenu entre autres de la programmation budgétaire, votre politique du logement dans les années à venir.
Je rappelle, l’annulation de 240 millions d’euros du chapitre 65-48 dans le cadre de l’exécution budgétaire 2002 et le gel de crédits pour 2003.

Cette réduction des crédits participe notamment des inquiétudes qui s’expriment, bien au delà d’ailleurs des parlementaires de notre Groupe, mais également dans l’ensemble du secteur, notamment du côté des associations de locataires et de consommateurs.

De même, l’impression plus ou moins nette que le logement social n’est pas à proprement parler une des priorités des politiques publiques semble aujourd’hui s’imposer.
On parle en effet plus aisément de démolitions dans le cadre des opérations de requalification urbaine, ou encore de faciliter la vente du patrimoine social que d’une véritable politique de relance de la construction.
Ce sont là des éléments qu’il nous paraît en définitive nécessaires de souligner au début de la discussion de ce projet de loi.

C’est évidemment en fonction de l’attention qu’auront connu nos propositions que nous déterminerons notre position dans ce débat.

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