Il est urgent de soustraire le secteur agricole aux règles de la concurrence libre et non faussée

En présentant la motion tendant à opposer la question préalable, notre collègue Jean-Pierre Bel a largement souligné les insuffisances, les lacunes et les effets pervers potentiels du projet de loi.

En effet, tout le monde l’a souligné, le monde agricole connaît des difficultés structurelles ; de notre point de vue, le présent texte, en l’état actuel, ne permettra pas de les résoudre.

Les agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs le savent, c’est tout un système qu’il est nécessaire de repenser. Fondamentalement, il est plus qu’urgent de soustraire le secteur agricole aux règles de la concurrence libre et non faussée.

Lors des débats au sein de la commission de l’économie, la majorité des sénateurs qui se sont exprimés était d’accord pour défendre aux niveaux européen et international l’utilité des outils de régulation et la nécessité de garantir un revenu agricole.

Pourtant, sous la présidence française de l’Union européenne, le 20 novembre 2008, un accord politique sur le bilan de santé de la politique agricole commune a été conclu par les ministres européens de l’agriculture. Or cet accord va dans un tout autre sens.

La réforme de la PAC soutenue par les députés européens de droite et par les gouvernements s’inscrit dans une logique de dérégulation de la production et des marchés. L’Union européenne s’est engagée, rappelons-le, à ouvrir de plus en plus largement le marché européen.

Lors d’un déplacement au Brésil que j’ai effectué il n’y a pas si longtemps avec plusieurs de mes collègues de la commission, nos interlocuteurs sur place nous l’ont dit très clairement : « Arrêtez et laissez-nous le champ libre ! Pourquoi donc continuez-vous à avoir un secteur agricole ? » (M. le ministre le confirme.)

Le bilan de santé de la politique agricole commune signe l’abandon des outils de régulation du marché. De plus, le démantèlement des OCM, les organisations communes des marchés – et le cas de l’OCM viti-vinicole est significatif – ne laisse rien présager de bon.

Voilà, très brièvement résumée, l’analyse faite par notre groupe.

Par ailleurs, nous nous réjouissons des déclarations de nos collègues sénateurs de la majorité en commission et nous espérons qu’ils soutiendront une position conforme à leurs déclarations.

Nous pensons que le projet de loi ne tire aucun enseignement de la crise et de ses causes. L’agriculture souffre d’une sous-rémunération du travail paysan, car les prix ne couvrent pas les coûts de production. Face à cela, le Gouvernement se propose d’observer et de contractualiser. Or cette possibilité de contractualisation existe déjà dans la loi, y compris avec la fixation d’un prix plancher, mais elle n’a jamais été appliquée par l’interprofession et par le Gouvernement. De surcroît, elle ne suffira pas à infléchir le déséquilibre des relations commerciales. À ce jour, la concentration et la restructuration de l’offre n’ont pas réglé la question des prix agricoles.

L’agriculture souffre aussi des pertes économiques importantes liées aux aléas climatiques, qui nécessiteraient une politique publique de grande ampleur, centrée sur la solidarité. La mise en place d’un marché du risque exclut de fait les agriculteurs qui n’auront pas les moyens de payer, notamment lorsque les primes d’assurance seront trop importantes. Ce n’est pas acceptable !

Pour ce qui est de la forêt, disons pour faire bref que sa marchandisation, telle qu’elle est prévue, induit la mise en danger de la biodiversité et montre à quel point le Gouvernement a en permanence la volonté de soumettre tous les secteurs à la loi du marché.

Mon collègue Gérard Le Cam l’a dit tout à l’heure, ce projet de loi porte bien mal son titre, car il n’induit aucune modernisation. Il n’est pas à la hauteur des enjeux pour construire l’agriculture du xxie siècle.

La France doit promouvoir avec courage, pour l’après-2013, une réforme de la politique agricole commune fondée sur la souveraineté alimentaire et la préférence communautaire, dans le cadre d’un développement économique, agronomique et écologique. Il incombe à l’Europe de fixer des objectifs de rémunération du travail paysan et de développement de l’emploi. L’urgence est là pour les agriculteurs, et notre responsabilité est d’y répondre avec détermination.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

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