Référendum sur l’organisation institutionnelle de la Corse

Référendum sur l'organisation institutionnelle de la Corse

par Hélène Luc

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Monsieur le Ministre, une fois de plus, avec le Président de la République et le Premier Ministre, Monsieur RAFFARIN, vous avancez masqués. Mon ami Robert BRET le démontrera dans la motion de renvoi en Commission. Ainsi, le gouvernement décrète l’organisation d’un référendum en Corse, plusieurs semaines, d’ailleurs, avant que le débat n’ait lieu au parlement, sans proposer un projet économique et social réel pour la Corse.

Il se dissimule derrière une énième réforme institutionnelle pour, en fait, créer un espace libéral livré aux appétits financiers attirés par la dérégulation.
M. le Ministre, je constate, avec regret, que votre projet de loi évacue la question économique et sociale, pourtant essentielle en Corse.
Lors de chaque réforme, les sénateurs communistes, avec beaucoup d’autres, ont rappelé que l’épanouissement de la Corse ne pourrait se faire que dans le cadre d’un développement maîtrisé, assurant le progrès social, l’égalité, sur l’île.

Chacun, au fond de lui-même, sait que la violence perdure en Corse, du fait, pour l’essentiel, de sa fragilité économique et sociale.
Certains pourront nous accuser de simplisme. Mais c’est pourtant la réalité, quant au fond. Comment envisager de sortir d’une dérive politico mafieuse, sans assurer la création d’emplois, sans s’inquiéter du niveau de vie économique.

Monsieur COURTOIS, le Rapporteur, après avoir approuvé, sans état d’âme, un projet qu’il n’aurait peut-être pas accepté si facilement, il y a trois ans, note qu’il faut, je le cite, « rappeler la nécessité de répondre aux défis du rétablissement de la sécurité et du développement économique ».
Comment ne pas s’étonner et cela mérite bien un rappel qui sera de ma part un rappel à l’ordre, de l’absence complète de perspectives économiques et sociales dans l’annexe qui est jointe au projet de loi et qui est censé éclairer l’électeur ?

Qu’attendent les Corses ? Une collectivité en plus ou en moins ? Même si ce sujet est important, nous considérons, pour notre part, indispensable de conserver l’échelon départemental, le souci des Corses concerne le développement de leur île, avec la préservation du patrimoine que l’on nous envie et dont les Corses sont fiers et attachés, à juste titre.

Comment pourrait-il en être autrement, lorsque l’on examine les chiffres avancés par M. COURTOIS lui-même.
Le Rapporteur, dans un chapitre intitulé « Un développement économique insuffisant », rappelait que « le niveau de vie en Corse est inférieur à celui constaté dans beaucoup de régions françaises ».
« En l’an 2000, le revenu disponible brut des ménages était inférieur de 2000 francs par habitant au montant de la province et de 5900 francs à celui de l’Ile-de-France. »
Ce revenu est constitué pour près de la moitié de prestations sociales.

Enfin, M. COURTOIS rappelait que le PIB par habitant était inférieur de 26,6% à la moyenne métropolitaine.
Seules les régions Poitou-Charentes, et le Languedoc-Roussillon, étaient plus mal loties.
Je ne reviendrai pas sur l’importance de l’intervention sociale du fait de la faiblesse de l’activité économique.
C’est vous-même, M. le Ministre de l’Intérieur qui notiez que l’employeur le plus important de l’île, après l’Etat, était une manufacture de tabac qui emploie 56 salariés.
Déjà, le 6 novembre 2001, Robert BRET évoquait nos craintes, qui sont renforcées aujourd’hui.

Il disait : « Pour nous, il ne s’agit pas de changer le statut institutionnel de la Corse pour le simple plaisir de le faire ou pour flatter telle ou telle fraction politique. Il s’agit d’adapter au mieux les institutions pour permettre à tous ceux qui vivent en Corse, d’être les auteurs du développement de l’île. »
« Or, l’ensemble du projet s’articule non pas autour du développement, mais autour de la décentralisation, pour ne pas dire de l’autonomie croissante qui serait accordée à la collectivité territoriale de Corse. »

Ces propos conservent, bien entendu, toute leur valeur, cela d’autant plus que le gouvernement de M. RAFFARIN est parfaitement silencieux, contrairement au précédent sur les modalités précises d’un effort de développement, sur le rôle des services publics dans ce cadre. Comment, par exemple, envisager un véritable décollage économique sans, enfin, une politique de grands travaux tels que chemin de fer, hydro-électricité, amélioration du réseau routier, l’agriculture, la recherche et pourquoi pas, l’électronique.

Vous le savez, M. le Ministre, la liaison ferroviaire entre Bastia et Ajaccio prend trois heures trente, soit plus que le trafic entre Paris et Marseille aujourd’hui.
Certes, le parcours est d’une beauté rare, mais il faut développer des moyens de transports rapides qui, soit dit en passant, limiterait un peu la circulation automobile si meurtrière en Corse.
L’immobilier et le tourisme de standing ne feront pas tout, M. le Ministre.

Ce qu’attendent les Corses, c’est un vaste projet pour l’île qui se fonde sur un investissement productif dont l’Etat, n’en déplaise au libéraux, ne pourra, bien entendu, pas être absent.
M. Gérard LARCHER, aujourd’hui président de la Commission des Affaires économiques, avait, le 6 novembre 2001, bien posé le problème, je le cite : « La solution ne pourra cependant résulter d’une gesticulation institutionnelle. C’est d’abord par des mesures pratiques que nous sortirons de l’impasse, car il s’agit de changer la vie quotidienne des Corses.

Par delà l’insularité et la violence, le problème principal posé à la Corse demeure son développement économique. »
M. LARCHER, dont nous apprécions la rigueur du travail parlementaire, même si nous ne nous situons pas du même côté de l’hémicycle, qualifiera-t-il l’énième péripétie institutionnelle que vous nous proposez de gesticulation. Il s’agit de tentative de plébiscite.

En effet, le gouvernement utilise la spécificité de la Corse qui est réelle, l’histoire, la culture, la géographie l’ont construite, pour enclencher au plus vite une réforme institutionnelle qui dépasse la seule île.
Non, M. le Ministre, malgré les dénégations que je devine, j’estime que votre priorité n’est pas la Corse. Votre priorité, c’est la remise en cause de l’architecture républicaine de nos institutions. Vous prenez date en proposant la suppression des départements, en engageant un processus d’autonomisation d’une collectivité territoriale dans un flou dangereux pour la démocratie française qui est fondée sur la solidarité nationale.

Nous avons toujours soutenu l’idée d’une consultation des Corses sur leur avenir et nous continuerons de le faire. Mais nous ne soutiendrons pas une tentative de plébiscite pour la révolution libérale de la droite qui desservira rapidement les Corses et demain, l’ensemble de nos compatriotes.

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