La « simplification » est un terme alibi du gouvernement pour créer du droit nouveau lorsqu’il est censé le modifier à droit constant

La « simplification » est un terme alibi du gouvernement pour créer du droit nouveau lorsqu'il est censé le modifier à droit constant - Simplification et amélioration de la qualité du droit : conclusions de la CMP (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si nous nous étions permis d’user de notre droit d’amendement en première lecture, c’était pour pointer quelques articles symboliquement représentatifs de la démarche qui sous-tend ce texte, que son intitulé, flou et quelque peu trompeur, ne reflétait pas.

En seconde lecture, nous avons décidé de ne pas déposer d’amendement, parce que vous n’avez cessé d’user de la démocratie pour mieux la contourner, tandis que, pour notre part, nous nous battons justement pour que ses objectifs ne soient pas détournés. C’est théoriquement l’une des missions inhérentes à notre mandat.

Un petit dictionnaire improvisé du jargon redondant, dont vos lois font un usage systématique, nous dirait que la « rationalisation » désigne la suppression massive d’emplois publics, que la « performance », pendant direct de cette fameuse rationalisation, désigne la justification du gigantesque plan social actuellement en vigueur dans nos services publics, que la « clarification » désigne plutôt la mise à jour de vos options idéologiques, et que la « simplification » est un terme alibi du Gouvernement pour créer du droit nouveau lorsqu’il est censé le modifier à droit constant.

Alors, simplification, dites-vous ? Pas sûr ! Plutôt des articles disparates formant un bien étrange patchwork !

En fait, seuls les projets qui se cachent derrière la grande majorité de ces alinéas sont simples à déceler ! Nul ne peut donc prétendre raisonnablement remettre de l’ordre dans un tel désordre. (M. le garde des sceaux fait part de son étonnement.) Oui, désordre, monsieur le garde des sceaux !

En 2006, la Cour des comptes, sur lettre de mission de l’ancien secrétaire d’État à la réforme de l’État, M. Éric Woerth, avait rendu un rapport destiné à évaluer les effets de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par voie d’ordonnances sur la base d’« une analyse précise et objective du résultat obtenu » par lesdites ordonnances.

La Cour des comptes a relevé, à cette occasion, que cette loi, à l’image d’ailleurs de l’ensemble des prétendues lois de simplification, a été l’occasion d’un « effet d’aubaine législatif » et que, « si elle se montrait relativement efficace lorsque prédominaient les enjeux procéduraux », ne « constituait pas un point d’entrée pertinent pour les réformes de fond et s’avérait inopérante lorsque la complexité des textes renvoyait à la complexité des réalités de notre société ».

Et la Cour des comptes de conclure que l’utilisation des « ordonnances de simplification pour produire du droit nouveau ne contribue pas à la lisibilité du processus ».

Le fait est que vous avez trouvé un moyen bien commode de vous passer de l’avis des parlementaires avec ces lois de simplification, raison pour laquelle vous n’en démordez pas. Pis encore, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez annoncé que vous alliez récidiver prochainement avec un nouveau projet de loi ! Le diable est vraiment partout ! (Sourires.)

La complexité croissante de notre système juridique constitue, à juste titre, un réel sujet d’inquiétude pour l’ensemble de notre société.

Il revient au législateur de répondre à ce fléau en y apportant des remèdes probants, décents, respectueux de nos principes républicains et, accessoirement, de la séparation des pouvoirs…

C’est donc à la représentation nationale de se saisir de ce problème, même si le Gouvernement en est le premier responsable.

Dérive largement et régulièrement dénoncée par nos institutions, l’inflation législative est un fléau. Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble des chiffres qui l’attestent et qui ont été cités à moult reprises tout au long de nos débats.

Afin de prévenir de tels excès, l’idée de « simplifier » le droit s’impose d’elle-même et devient une perspective acceptable. Mais ce n’est absolument pas ce à quoi vous vous employez dès lors que bien des amendements déposés par notre rapporteur visaient à supprimer des dispositions déjà contenues dans d’autres textes… Vous ne suivez pas, ou vous ne suivez plus, alors même que c’est vous qui avez rédigé ce texte.

Qu’attendez-vous donc des parlementaires, qui sont contraints par des délais chaque jour de plus en plus étroits ?

Nous nous sommes réunis à deux reprises pour discuter un quatrième texte dit « de simplification » ; nous aurions donc aimé cette fois-ci qu’il le fût vraiment et, surtout, qu’il fût le dernier.

Le maigre apport de cette proposition de loi, notamment son article 1er A, relatif au PACS, dont on peut se féliciter, ne modifie nullement notre position : nous avons voté contre en première lecture comme en deuxième lecture et nous voterons contre aujourd’hui !

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