Commémoration de la Grande Guerre et Fusillés pour l’Exemple

Monsieur le Maire,

Vous m’avez fait parvenir copie de votre lettre adressée à M. Gérard LONGUET, Ministre de la Défense et des Anciens Combattants.

Je tenais à vous dire que je partage globalement votre analyse concernant plusieurs initiatives mémorielles qui seront prises entre 2011 et 2018 et qui risquent de porter préjudice à l’authenticité historique des prochaines commémorations de la Grande Guerre.

Tout particulièrement,

 l’installation sur le Fort de Douaumont du drapeau allemand

 le logo indicateur des sites sous forme d’un casque illustré des couleurs de la France, des USA et de l’Allemagne

 l’implantation d’un canon français sur le site allemand de Duzey en remplacement du canon allemand qui a bombardé Verdun dès le déclenchement de l’offensive

 le refus de rendre à la Voie Sacrée la qualification « nationale »

 la division géographique de la « Meuse de la Grande Guerre » en cinq grandes zones qui place Verdun dans l’arrière front français

D’une manière générale, il est quasiment certain que les errements que vous avez stigmatisés ont pour cause la volonté d’une réécriture de la Grande Guerre à la lumière de la coopération franco-allemande entreprise depuis 1945. Mais c’est faire un amalgame condamnable.

En effet, une chose souhaitable est de célébrer l’amitié entre les peuples et notamment, la construction européenne. Autre chose inacceptable est de falsifier l’histoire même pour des raisons éthiques.

Cependant je souhaiterais attirer votre attention sur un sujet qui mérite discussion : les fusillés pour l’exemple. En recourant à des exécutions capitales dès le début du conflit en 1914, l’objectif du haut commandement français était d’obtenir une obéissance absolue de la part des fantassins, malgré l’inhumanité des combats et les erreurs de l’état-major de notre pays. De fait, étaient condamnés à mort des soldats pris au hasard dans des unités qui avaient dû reculer devant un ennemi supérieur en nombre et en armement. Vraiment, des fusillés pour l’exemple. Les prévenus étaient jugés sans instruction préalable du dossier, par une cour martiale composée du colonel commandant le régiment, assisté de deux officiers. Le verdict était voté à la majorité du tribunal, sans possibilité d’appel ou de recours en grâce. En cas de condamnation à mort, la sentence était applicable le lendemain matin, à l’aube, selon les ordres du général Joffre. On comprend qu’il s’agissait toujours de jugements expéditifs, sans preuve apportée, scandaleux et révoltants. Assurément, les soldats français « fusillés pour l’exemple » demeurent une tragédie horrible qui marque d’une tache sombre le livre d’histoire de la Grande Guerre et que nous devons affronter comme telle.

Peut-être pourrait-on trouver de façon non provocatrice une solution à un vrai et douloureux problème qu’il faudra bien régler un jour – pourquoi pas à l’occasion des initiatives mémorielles prévues entre 2011 et 2018 ?

Au terme de cette réflexion, il est souhaitable que les commémorations du centenaire de la Grande Guerre puissent intégrer la dimension de l’entente franco-allemande. Mais d’une manière qui ne porte pas atteinte au respect de la vérité historique et de la mémoire des combattants de 1914-1918.

Vous souhaitant bonne réception de ce point de vue, je vous prie de recevoir, Monsieur le Maire, mes sincères salutations.

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