L’avenir de la pêche française

par Gérard Le Cam

Monsieur Gérard Le Cam souhaite réagir vivement contre le projet de réforme de la politique commune de la pêche, récemment décidé par la commission européenne.

L’objectif de la Commission européenne de réduire de 30% à 60% les capacités actuelles de pêche de l’Union européenne aurait pour conséquences, dans le meilleur des cas la suppression d’environ 28 000 emplois de pêcheurs. Si l’on tient compte qu’un nombre non négligeable d’emplois indirects sera touché, le plan de restructuration représente un grave danger pour toute la filière française de la pêche qui occupe aujourd’hui plus de 66 000 emplois. Au-delà, c’est le développement économique et social des régions qui vivent de la pêche et indirectement notre aménagement du territoire qui en seront largement affectés.

En tant que breton, il est très inquiet pour l’avenir de la pêche dans sa propre région. Le métier de pêcheur est un métier difficile qui, vu les faibles perspectives d’avenir qu’il offre, n’attire plus suffisamment les jeunes.

Loin, pour autant de négliger la question de la diminution des ressources halieutiques et de la nécessité d’une meilleure maîtrise de leur renouvellement, il tient d’abord à souligner que les "données scientifiques" sur lesquelles s’appuie la Commission font l’objet de contestation, notamment de la part des syndicats et professions. Cette contestation ne doit pas être négligée au prétexte qu’elle émanerait de milieux non experts. Au contraire, les erreurs d’estimations des réserves de merlu ou d’anchois commises dans le passé, témoignent d’une fiabilité douteuse de certaines expertises.

Il dénonce, en deuxième lieu, la fragilité même de l’argumentation de la Commission européenne, qui s’abstient de prendre en compte les conséquences, pourtant évidentes, du développement d’une pêche industrielle, peu contrarié, si ce n’est favorisé, par les projets européens. Chacun sait pourtant combien ce type de pêche essentiellement destinée à produire de la farine de poisson, contribue à la raréfaction des ressources halieutiques en s’attaquant indifféremment à toutes sortes de poissons, petits et gros. Comme chacun sait que la grande distribution, alimentant ses rayons de poissons d’élevage souhaite aussi voir se développer ce type de pêche au détriment de la pêche artisanale. Le consommateur n’en serait-il pas le premier perdant ?

A cela s’ajoutent encore les contradictions et les incohérences d’une politique bruxelloise de la pêche qui manque manifestement de visée à long terme et qui soumet les pêcheurs à de multiples revirements de décision comme ce fut le cas, par exemple, avec les plans d’urgence sur le merlu et le cabillaud.

Les efforts consentis par les marins pêcheurs français pour préserver les ressources sont pourtant bien réels. Ceux-ci ont même devancé certaines des recommandations européennes en fixant eux-mêmes délibérément, par exemple, à 8,5cm contre 7cm la taille des mailles du filet, afin de laisser s’échapper les juvéniles.

Au final, il constate que le projet de réforme risque à terme de faire disparaître la pêche artisanale, dont la flotte fortement vieillie devrait être modernisée afin de résister à la concurrence de la pêche industrielle, au sein de laquelle la grande distribution est partie prenante.

Tous ces éléments invitent à prendre le temps de la réflexion car si les ressources halieutiques doivent être préservées, il faut précisément veiller à ce que la petite pêche, plus respectueuse de l’environnement marin et maillon essentiel du développement territoires, puisse continuer à vivre. A trop négliger ces différents aspects, l’on s’interdit sans aucun doute, de trouver une solution durable, à travers une réglementation appropriée, au problème de la maîtrise des ressources halieutiques.

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