Une mesure qui peut entraîner des vagues importantes de renoncement aux soins

François Fillon, vous-même, madame la ministre, et, de fait, le Gouvernement dans son ensemble répétez que la majorité actuelle, contrairement aux propositions portées par les partis de gauche, entend résoudre la crise sans augmenter les impôts des classes populaires et moyennes. Pourtant, c’est tout le contraire qui se produit depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.

Cet article 3 en est encore un bel exemple. La manœuvre est subtile. Vous gardant d’annoncer une nouvelle taxation directe de nos concitoyens, par exemple en augmentant l’euro forfaitaire non remboursé par la sécurité sociale, en procédant à de nouveaux déremboursements ou en élevant le niveau des franchises médicales, vous prévoyez d’augmenter une nouvelle fois la taxe sur les mutuelles complémentaires, laissant ainsi à ces dernières la charge de transférer sur leurs adhérents les conséquences économiques de cette mesure.

Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, les mutuelles n’ont d’autre choix que de répercuter sur leurs adhérents la hausse de cette taxe. Les réserves que vous invoquez aujourd’hui, comme en 2010, ne sont rien d’autre que le respect des directives européennes, singulièrement de la directive solvabilité II, qui contraint les mutuelles à mettre en réserve des sommes pouvant aller jusqu’à 300 euros par adhérent.

En prétendant le contraire, en faisant croire que les mutuelles pourraient assumer seules cette nouvelle hausse, vous prenez le risque d’opposer nos concitoyens aux organismes mutualistes, alimentant une confusion qui n’a pas lieu d’être.

Les mutuelles, contrairement aux assurances privées commerciales, ne sont pas des organismes à buts commerciaux. Elles ne poursuivent pas d’intérêt lucratif et ne peuvent pas faire de bénéfices. Les excédents qu’elles dégagent retournent aux adhérents, notamment, et c’est toute la force du système mutualiste, par le biais de prises en charge qui ne sont pas légalement obligatoires – chambre individuelle, dépassements d’honoraires, etc. –, par la création de services à destination des adhérents, comme les services de santé ou les centres de santé mutualistes, voire par l’accompagnement de solutions nouvelles telles que la prise en charge de la dépendance.

Les mutuelles devront donc obligatoirement faire supporter d’une manière ou d’une autre cette taxe aux ménages, soit en réduisant le champ de garantie de leurs contrats, soit en renonçant à certaines des missions essentielles que je viens de citer, soit, ce qui est le plus probable, en augmentant le niveau des cotisations. Selon la Mutualité Française, « depuis 2008, les taxes frappant les organismes d’assurance maladie complémentaires […] ont été multipliées par vingt », passant en valeur absolue de 177 millions d’euros à 3,5 milliards d’euros. Dans le même temps, les cotisations ont augmenté en moyenne de 125 euros, la moitié au moins de cette hausse étant due à la répercussion de taxes sur ces contrats.
Cette nouvelle taxe devrait de toute évidence ne pas faire exception.

Or, dans un contexte de crise marqué par la paupérisation d’un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, cette mesure pourrait entraîner des vagues importantes de renoncement aux soins – d’autres l’ont dit avant moi – ou de démutualisation, avec toutes les conséquences néfastes que cela peut avoir, tant pour la santé de nos concitoyens que pour les comptes sociaux, ce qui, il faut l’avouer, est tout de même paradoxal.

Le pourcentage des personnes concernées par le renoncement aux soins est en explosion : 23 % en 2010 contre 11 % en 2009. Ce phénomène prend notamment la forme d’un renoncement aux soins préventifs et d’un recours plus grand aux soins hospitaliers et d’urgence, qui sont parmi les plus coûteux.

Pour toutes ces raisons et parce que nous refusons que cette taxe sur les salariés soit dix fois plus forte que celle qui doit être acquittée par les plus riches de nos concitoyens, nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement de suppression.

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