Une telle mesure incarne l’idée même que vous vous faites de la justice : ponctionner les ménages de 2,2 milliards d’euros et les plus riches de 200 millions seulement !

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 3 a pour objet de doubler la taxe spéciale sur les activités d’assurance qui pèse sur les contrats solidaires et responsables, et de la porter de 3,5 % à 7 %.

Une telle décision, qui a été prise sans aucune concertation avec le monde mutualiste, nous inquiète à plus d’un titre, tout comme elle soucie gravement les responsables de la Mutualité française d’Île-de-France, que j’ai rencontrés ce matin et qui assistent ce soir, dans les tribunes, à nos travaux.

Madame la ministre, votre décision témoigne tout d’abord d’une conception de la protection sociale et de la santé que nous rejetons, dans laquelle les interlocuteurs que sont les mutuelles, mais également les partenaires sociaux, sont totalement exclus ou réduits au rang d’expédients.

Si vous êtes attentifs aux préconisations du MEDEF, qui ne cesse de vous demander de réduire le champ de la protection sociale et vous incite à imposer la TVA sociale contre le financement solidaire de la sécurité sociale, vous ignorez totalement les autres acteurs de notre système social.

Résultat – ce projet de loi de finances rectificative en est la preuve –, vous ne gouvernez que par à-coups, empilant des mesures qui ne seront pas sources de solutions durables et ne seront pas justes socialement.

Pourtant, madame la ministre, parce que les mutuelles participent activement à la qualité de notre système de santé, parce qu’elles jouent un rôle particulier dans le parcours de soins, avec leurs services et leurs centres de santé, parce qu’elles sont investies dans la prévention et devront jouer demain un rôle important dans la prise en charge de la perte d’autonomie, vous ne pouvez pas les considérer comme de simples auxiliaires.

Et ce d’autant plus que, dans le même temps, alors que les restes à charge supportés par nos concitoyens explosent – il faut bien le dire –, la part des remboursements effectués par les mutuelles augmente, notamment du fait d’un transfert de financement des missions jusqu’alors assumées par le régime obligatoire en direction de notre système de santé.

Madame la ministre, je ne l’oublie pas, c’est dans les mêmes conditions que vous aviez décidé de taxer ces contrats responsables en 2010. C’était une décision injustifiée sachant que le régime fiscal de ces contrats mutualistes reposait sur un accord clair : une fiscalité dérogatoire en échange de contrats permettant à l’assurance maladie, c’est-à-dire à la sécurité sociale, de réaliser d’importantes économies.

Voilà deux ans, votre majorité a décidé, sans concertation déjà, de taxer les mutuelles complémentaires, afin de financer le fonds destiné à la CMU complémentaire, ou CMU-C. Cette décision aurait été louable si elle n’avait pas entrainé un désengagement financier de la part de l’État, dans la mesure où ce fonds n’est désormais quasiment plus abondé que par cette taxe.

Or ces deux mesures, la taxation à destination du Fonds de financement de la CMU-C et la taxation des contrats responsables à 3,5 %, s’étaient en quelque sorte télescopées, au point que la seconde a considérablement nui à la première. Car en décidant de taxer à 3,5 % les contrats responsables, vous avez mécaniquement réduit de 5,9 % l’assiette de taxe destinée à financer la CMU-C.

Comme l’a clairement résumé Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds de financement de la CMU-C : « C’est une perte d’assiette de 1,1 milliard d’euros, et donc une perte de ressources pour le fonds de plus de 60 millions d’euros. »

Madame la ministre, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous voudrions savoir comment vous entendez compenser les conséquences pour la CMU-C résultant de l’adoption, malheureusement probable, de cet article 3.
Mes chers collègues, tout cela n’est pas anecdotique. Voilà qui témoigne d’une conception politique d’ensemble de notre système de santé et de protection sociale, dans laquelle le Gouvernement décide seul et les partenaires subissent, une conception contraire à l’esprit de notre pacte social, qui est fondé sur la concertation ! Et si vous vous obstinez à refuser cette dernière, c’est parce que, au fond, vous avez peur de la confrontation.

Vous ne le savez que trop, le mouvement mutualiste, qui représente ses adhérents, c’est-à-dire nos concitoyens, ne peut que rejeter une disposition dont la double spécificité est d’être insuffisante et injuste. Lors de l’examen du texte relatif à la gestion de la dette sociale, nous avions souligné que la création d’une taxe de 3,5 % sur les contrats responsables ne serait pas de nature à résorber cette dette. Les faits nous donnent malheureusement raison.

Avec cet article 3, l’austérité prend encore plus forme. Une telle mesure incarne l’idée même que vous vous faites de la justice : ponctionner les ménages de 2,2 milliards d’euros et les plus riches de 200 millions seulement !

Je le dis solennellement, c’est une décision lourde de conséquences, qui fait courir le risque d’une démutualisation et d’un nouvel accroissement des inégalités sociales.

C’est la raison pour laquelle mon groupe votera contre cet article.

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