Débat d’orientation budgétaire 2003 (2)

par Paul Loridant

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

A la lecture du rapport présenté à la Commission de finances par mon collègue Philippe Marini et du document relatif à l’évolution de l’économie nationale, rédigé sous l’autorité de notre ancien collègue Alain Lambert, je suis convaincu que tous deux doivent regretter leur complicité d’antan.

L’époque ou l’un dénonçait l’absence de transparence et de sincérité budgétaires tandis que l’autre déclinait les règles de bonne gouvernance économique, libérales bien entendu.

L’exercice doit être aujourd’hui difficile pour vous. A peine 3 mois après une discussion surréaliste du projet de loi de finances pour 2003, bâti sur une croissance de 2,5%, vous avez été contraint, monsieur le Ministre, de ramener vos espoirs de croissance à un niveau « légèrement » plus bas, 1,3%, environ la moitié de ce que vous annonciez comme crédible. Et encore, comme le souligne mon collègue Philippe Marini il s’agit là d’une « hypothèse volontariste supérieure au consensus » puisque l’Insee n’envisage, elle, qu’une croissance de 0,8% pour 2003.

Dans ces conditions, Que penser du rôle du Parlement ? Avouez qu’en matière de sincérité budgétaire on a fait mieux.

Votre stratégie budgétaire, qui repose sur l’idée que la baisse des prélèvements obligatoires est la condition d’une croissance vigoureuse, fait la preuve de son inefficacité.

Alors même que les études économiques démontrent que les baisses d’impôt disparaissent dans des trappes à liquidité et viennent alimenter la hausse du taux d’épargne, vous faites le choix, très idéologique, de les confirmer pour 2004 et les années à venir.
Cette politique de cadeaux fiscaux aux gros revenus se fait au détriment du fonctionnement des services publics et des grands investissements dont le pays a besoin. Car dans le même temps vous maintenez envers et contre tous, la politique de baisse des dépenses publiques.

Dans son rapport d’une grande qualité, Philippe Marini s’inquiète, à juste titre, des risques déflationnistes qui planent sur les économies européennes.

Tout comme M. Prodi il y a quelques mois, le rapporteur général du budget s’interroge sur la pertinence d’un respect rigoureux du pacte de stabilité budgétaire.

Le fait est que l’objectif d’équilibre des comptes publics à l’horizon 2006, qui était fixé dans le pacte de stabilité, a, passez moi l’expression, du ’ plomb dans l’aile ’.

On doit se demander, sur un strict plan de doctrine économique, s’il a même aujourd’hui encore un sens.

A quoi servirait en effet un équilibre des comptes publics qui serait fondé sur l’appauvrissement des salariés par déflation salariale forcenée, sur le développement de la précarité au travail, sur la remise en cause des droits sociaux et de la solidarité nationale, comme l’illustre le projet de réforme des retraites, actuellement en débat à l’Assemblée Nationale ?

Il est grand temps de changer de braquet et de politique.

L’action de l’Etat ne doit pas accompagner de manière exclusive les choix de gestion des grandes entreprises, ni permettre aux ménages les plus aisés d’optimiser leurs placements spéculatifs.

Elle doit répondre clairement aux besoins de la collectivité, à la réduction des inégalités sociales, à la mise en œuvre des droits fondamentaux des individus.

C’est à partir de ces choix que nous pensons que le budget 2004 doit être pensé.

Ce n’est manifestement pas l’orientation suivie par le Gouvernement.

Aussi, nous proposerons le moment venu les choix alternatifs aux orientations qui semblent se dessiner.

Retour en haut