Intermittents : Jack Ralite écrit au Président de la République

Intermittents : Jack Ralite écrit au Président de la République ( Expect Best)

Une lettre de Jack Ralite, animateur des Etats généraux de la culture, à Jacques Chirac.

Monsieur le Président,

Si je me permets de vous écrire c’est que je suis comme beaucoup de nos concitoyens très préoccupé par le grave et profond conflit qui existe aujourd’hui dans le monde des arts, à propos de l’accord sur le régime indemnitaire du chômage des intermittents du 27 juin dernier à 2 heures du matin.

Je me crois autorisé d’agir ainsi d’autant que récemment vous avez fait sur le plan des arts et de la culture des déclarations dans lesquelles peut se reconnaître toute personne sensible aux « territoires de l’esprit », selon votre expression. Le 2 février dernier lors des « Rencontres Internationales de la Culture » tenues au Louvre à l’initiative du Comité de Vigilance et le 28 avril lors de votre réception des cinéastes dont les œuvres étaient présentées au Festival de Cannes, vous avez dit « dans cet univers où règnent la compétition et la course au profit, [...] la culture et la création [sont des] activités irréductibles aux lois du marché ». « La culture ne doit pas plier devant le commerce [...] c’est elle qui nous donnera des armes pour répondre à ce nouveau défi de l’aventure humaine qu’est la mondialisation. »

Or, l’accord concernant les intermittents plie devant les intérêts du commerce en introduisant la rentabilité comme facteur d’appréciation des prestations. Il faut donc le revoir et le gouvernement s’honorerait de le faire. De surcroît, la validité démocratique de ce texte est mise en cause parce que les syndicats signataires ne représentent que 10% des salariés du spectacle.

Enfin, nous sommes au moment des festivals et l’on constate que plusieurs d’entre eux ont déjà été ajournés et que d’autres risquent de l’être. C’est dur pour les artistes et les techniciens dont je mesure le chagrin d’être amenés à ne pas présenter un travail préparé souvent pendant de longs mois. C’est dur pour les publics qui n’ont souvent que ces moments estivaux pour rencontrer le plaisir de la création.

Tout prouve qu’il faut sortir avec dignité de cette situation, et je suis convaincu qu’un geste important de votre part est attendu. Je vous propose donc de me recevoir avec une délégation d’artistes de toutes disciplines, esthétiques et sensibilités pour que nous en discutions.

L’émotion est très grande, Monsieur le Président, mais comme le dit si bien Pierre Boulez, avec qui vous avez comme moi des liens de grande estime, « l’histoire n’est pas ce qu’on subit, l’histoire est ce qu’on agit ».

La France s’enorgueillit de sa tradition de responsabilité publique en faveur de la création artistique et de la culture. Au moment où au plan européen il y a une grave tentative de remettre en cause l’exception culturelle, il serait dommage que nous ne donnions pas une preuve renouvelée que le statut de l’esprit, comme d’ailleurs le statut du vivant, est dans notre pays une préoccupation de civilisation.

La France doit, Monsieur le Président, et je vous cite pour conclure, savoir « offrir à nos artistes et nos créateurs les conditions d’une création vivante et dynamique. »

En souhaitant vivement vous rencontrer dans un délai que j’ose qualifier d’urgent, croyez, Monsieur le Président, en ma haute considération,

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