Retraites : le gouvernement ne pérennise pas le système par répartition

Retraites : le gouvernement ne pérennise pas le système par répartition (Jeanne Menjoulet - https://www.flickr.com/photos/jmenj/)

par François Autain

Je me concentrerai sur la principale critique. Contrairement à ce que proclame l’article premier, le système par répartition n’est pas pérennisé puisque le projet n’est pas intégralement financé, l’allongement de la durée des cotisations ne couvrant qu’une partie des besoins de financement. Refusant d’augmenter les cotisations, vous vous en remettez à une baisse aléatoire du chômage.

Ce débat s’est focalisé à tort sur l’alignement de la durée de cotisation entre le privé et le public : le C.O.R. a bien souligné que l’âge moyen de départ en retraite était très proche dans les deux cas.

L’allongement de la durée des cotisations aura des effets pervers sur le montant des pensions : peu de retraités bénéficieront du taux plein, le montant moyen des pensions reculerait de 30 %. Les salariés seront enclins à capitaliser, vous les y encouragez.

Je crains que vous ne fassiez fausse route car, contrairement à l’idée courante, répartition et capitalisation ne sont pas complémentaires, mais incompatibles. Les fonds de pension cannibaliseraient la répartition, sans absorber le choc démographique ni permettre un rendement supérieur à la répartition. La capitalisation est opaque, coûteuse et aléatoire : même les Américains la remettent en cause, après les scandales d’Enron et de Worldcom.

En revanche, je ne considère pas la remise en cause de la durée de cotisation comme un sujet tabou. Sa modulation en fonction de la pénibilité du travail est même une obligation. Or, votre projet se contente d’inviter les partenaires à définir les métiers pénibles. Pourquoi n’avez-vous pas repris la proposition du C.O.R. qui recommande de définir des critères légaux de pénibilité ?

L’augmentation des cotisations vieillesse est l’autre levier, mais vous le repoussez en invoquant les arguments du patronat contre l’augmentation des charges des entreprises pour ne pas nuire à leur compétitivité. Pourtant, selon une étude de l’O.C.D.E. de 1998, il n’existe pas de lien statistique entre le coût du travail et l’emploi. Le montant des exonérations patronales s’accroît régulièrement avec les profits des grands groupes français ainsi que les rémunérations et indemnités de licenciements de leur dirigeant. Il y a dix ans, les allégements de cotisations sociales patronales représentaient moins d’un milliard d’euros. En 2002, ils ont atteint 21 milliards d’euros et n’ont servi qu’à tirer vers le bas qualifications et salaires et n’empêchent pas le chômage de perdurer.

Venons-en à l’hypothèse de la baisse du chômage : elle est hasardeuse !

Il n’y a pas de lien mécanique et rapide entre le chômage et la démographie. Voyez l’Allemagne : le chômage est élevé, alors que la population active ne cesse de décroître. Ensuit, le chômage a toute chance de se maintenir à un niveau élevé, faute d’une politique macroéconomique volontariste - que les règles communautaires de l’Union européenne rendent impossible. S’y ajoutent l’engagement du sommet de Barcelone sur l’âge de la retraite, et la position récente de la Commission européenne pour la libéralisation des fonds de pensions : l’Europe libérale plombe votre réforme, monsieur le Ministre, avant même son adoption !

Je doute que vous soyez capable de résister à la pression européenne en faveur du démantèlement de la protection sociale et je crois plutôt que vous accepterez en silence la dégénérescence de notre retraite par répartition, qui fera le lit de la capitalisation. Je ne voterai pas ce texte : il existe des moyens pour sauver la répartition, mais vous les refusez !

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