Ce sont vos politiques libérales qui ont trahi notre héritage national

La proposition de résolution présentée par le sénateur Jean-Claude Gaudin rappelle à juste titre le caractère d’excellence de la filière industrielle nucléaire. Cependant, dès les premières lignes le ton se fait accusateur dénonçant une remise en cause historique d’un soi-disant consensus autour de la politique énergétique française. C’est une contre-vérité. En réalité, depuis des années ce sont vos politiques libérales qui ont trahi notre héritage national, qui ont détourné les investissements engagés dans le secteur énergétique par le Général De Gaulle, par le Ministre communiste Marcel Paul.

Ce sont encore les politiques de droite qui ont bafoué l’intérêt supérieur de la Nation, remettant en cause ce que nous indiquait le programme national de la résistance. Je citerai notamment le projet d’« instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol ». Au contraire depuis 10 ans, c’est une politique de déréglementation et de privatisation du secteur énergétique qui a été menée, le soumettant aux exigences de rentabilité et de rémunération de l’actionnariat. La majorité gouvernementale a ainsi privé le pays des investissements nécessaires en termes de recherche, d’entretien des installations, de renouvellement des réseaux de distribution et de transport.

La mise en concurrence des acteurs de la filière, le démantèlement du service public intégré, la filialisation, la privatisation de GDF, la généralisation de la sous-traitance, les cadeaux aux opérateurs privés, toutes ces décisions irresponsables ont tourné le dos à la mise en œuvre d’une politique énergétique ambitieuse et durable. Les choix que vous avez faits ont eu en plus des conséquences sociales dramatiques : 30 mille emplois ont été supprimés dans le secteur énergétique sur les dix dernières années au nom de la concurrence libre et non faussée. La précarité énergétique touche plus de 3.7 millions de foyers, alors que les générations d’hier s’étaient battues pour mettre en œuvre, notamment à travers le parc nucléaire, un droit à l’énergie pour tous.

Dans ce contexte, s’est installée une véritable crise de confiance dans la population. Ces craintes sont d’autant plus fortes aujourd’hui suite au drame vécu au Japon.

C’est légitimement que les citoyens et les travailleurs demandent une information complète et transparente sur le niveau de sûreté et de sécurité des installations nucléaires. Mais cela est encore trop pour vous. Après la catastrophe de Fukushima, M. Fillon n’a pas voulu entendre les syndicats et les partis politiques qui demandaient un audit de toutes les installations nucléaires élargi au-delà des critères purement techniques. Un audit qui prenne en compte et analyse les conditions d’exploitation en lien avec les conditions de travail des salariés ainsi que les activités confiées à la sous-traitance. En effet, les critères de rentabilité financière ont amené des contraintes organisationnelles et temporelles, des injonctions contradictoires entre impératif de sûreté et impératif de production.

Pour les 35 000 salariés sous-traitants du privé, les garanties sociales ont été tirées vers le bas. Ils supportent 80% des risques professionnels sur les sites nucléaires. Nous souhaitons donc l’arrêt de la sous-traitance dans le secteur nucléaire. Et nous demandons sans attendre que ces salariés aient les mêmes garanties que ceux des entreprises électriques et gazières en terme de sécurité de l’emploi, de retraite, de suivi médical unique, de formation qualifiante de haut niveau. Comme l’a rappelé l’Autorité de la Sécurité Nucléaire dans son avis du 3 janvier 2012, un des piliers de la sûreté repose sur le facteur humain. Cette question sociale est soigneusement éludée par la proposition de résolution, comme par la politique gouvernementale.

Ensuite, la proposition de résolution souligne l’importance de la filière industrielle nucléaire au titre de la réindustrialisation. C’est juste. Mais à l’heure des bilans, la réalité est que vos politiques ont accentué la désindustrialisation du pays et ce même dans des secteurs aussi pointus que le nucléaire. On pourrait multiplier les stèles à la GANDRANGE : "Ici reposent les promesses de Nicolas Sarkozy ». Pour la filière nucléaire je ne prendrai qu’un seul exemple : la turbine de l’EPR de Flamanville. Cette pièce d’importance est fabriquée dans 11 pays différents avant d’être assemblée à Belfort. Il y a douze ans, le site d’Alstom à Belfort comptait plus de 6500 salariés aujourd’hui il en compte 2000. On en est au 3ème plan social depuis 2001. Lors de sa fusion avec Alstom Power Systems (APS), en avril 2010, un accord avait été passé avec le gouvernement : le maintien de l’activité pour trois ans, en échange d’un agrément fiscal de 66 millions d’euros.

Quelques mois après, la direction d’Alstom a annoncé un plan de restructuration : 100 emplois supprimés à Belfort. La production des ailettes a été délocalisée au Mexique et en Suisse, comme les diaphragmes il y a quelques années. Le cœur de métier s’amenuise à vue d’œil sur le site, la moyenne d’âge des salariés est de 46 ans, sans nouvelles embauches en perspective. Les savoirs faire se perdent et le France perd son expertise, son expérience.

Enfin, à aucun moment n’est abordée dans le texte la question des déchets nucléaires. La Cour des comptes estime que les charges liées au démantèlement des centrales et à la gestion à long terme des déchets radioactifs sont très incertaines. Or, il est urgent d’investir dans la recherche afin d’être capables de recycler les déchets nucléaires existants.

Les enjeux de la filière industrielle nucléaire sont nombreux et immenses, les choix ne peuvent se faire qu’en associant l’ensemble de nos concitoyens. Les forces de gauche qui composent le front de gauche proposent un débat public national immédiat sur la politique énergétique de la France afin de permettre la remise à plat des choix énergétiques et de préparer l’alternative. Un vrai débat national doit s’ouvrir dans le domaine du nucléaire civil. Les options sont multiples y compris la sortie progressive du nucléaire. Ce doit être au peuple en dernière instance de décider. Nous sommes en totale opposition avec votre proposition de résolution car nous exigeons, dès maintenant, un nucléaire sécurisé, la maitrise publique totale des installations.

Nous exigeons une élévation décisive nationale et internationale des garanties de sûreté nucléaire. Nous avons besoin d’une politique industrielle innovante qui soit conduite dans le cadre d’une planification écologique. Le respect des exigences du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) doit rester une priorité. Cela nécessite bien entendu d’accroitre les moyens dédiés à la recherche publique pour développer des filières cohérentes et pérennes d’énergies nouvelles, comme le solaire, la géothermie, l’éolien.

Ensuite, la proposition de résolution est muette sur la question de la démocratie et de la transparence qui doivent être garanties dans toutes filières industrielles notamment quand elles présentent des risques. Les citoyens, les élus, les salariés doivent avoir un droit d’information, de co-élaboration, de contrôle des décisions, d’alerte. Il faut évaluer l’impact écologique des productions et des risques industriels et sanitaires.

Vous l’aurez compris, le groupe CRC votera contre cette proposition de résolution qui ignore l’exigence d’une maitrise publique et d’une gestion sociale de l’énergie et qui est incapable de proposer un chemin pour la transition énergétique, écologiquement responsable que nous appelons de nos vœux.

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