Nous ne pouvons accepter que l’Union européenne soit plus intrusive dans les politiques budgétaires et économiques de chaque État qu’elle n’est regardante dans la gestion des banques

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce débat fort intéressant, fort riche, un point nous laisse perplexes : il s’agit de la conditionnalité de l’intervention du MES.

Tout d’abord, aux dernières nouvelles, l’immanence de l’État – sa nature même, en fait – ne peut qu’être invoquée face aux dettes souveraines qui lui sont opposées. La Grèce peut-elle faire défaut et, par là même, disparaître du paysage politique de l’Europe au seul motif qu’elle ne disposerait pas des moyens de payer ses dettes ? Évidemment, non !

Pour autant, la question qui nous est posée est claire : pourquoi serions-nous à l’avenir chiches et sourcilleux sur la mobilisation des fonds dédiés au Mécanisme européen de stabilité, alors que nous ne serions pas aussi attentifs à l’usage que nous pouvons faire des fonds avancés aux établissements de crédit ? En effet, madame la rapporteure générale, voilà bel et bien l’un des problèmes cruciaux que posent ces textes européens.

La Banque centrale européenne, dans sa grande sagesse – si l’on peut dire ! –, est prête, depuis plusieurs années, et encore ces prochains jours, à engager plusieurs centaines de milliards d’euros en faveur des établissements de crédit, en vue d’éviter ce que l’on appelle un credit crunch, c’est-à-dire le blocage systémique du secteur bancaire.

La BCE a d’ores et déjà avancé 489 milliards d’euros aux établissements de crédit et une enveloppe de 300 milliards à 600 milliards d’euros, avec une valeur moyenne estimée à 470 milliards d’euros, va être sollicitée par la BCE, pour être prêtée demain aux établissements de crédit au taux de 1 % ! C’est-à-dire que, moyennant un minimum de garanties – en l’espèce, le respect des critères prudentiels édictés par le comité de Bâle –, l’Europe est prête à engager, par le biais de la Banque centrale européenne, des sommes plus importantes encore que celles que l’on nous recommande de mobiliser dans le cadre du MES.

Pour parler clair, nous devrions donc être plus exigeants du point de vue de l’aide – l’appeler ainsi, avec les politiques de rigueur et d’austérité associées, est déjà un contresens ! – accordée aux États souverains, légitimés par les peuples, que nous ne le sommes vis-à-vis des banques, dont l’action a tout de même conduit quelques-uns de ces mêmes États dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.

M. Alain Néri. Ce n’est pas faux !

M. Éric Bocquet. Alors même que la raréfaction du crédit aux PME, la chute libre des ouvertures de prêts accordées aux collectivités locales – situation aggravée en France avec la disparition probable de Dexia –, semblent montrer que l’argent accordé en abondance aux établissements de crédit n’a pas servi à modifier la donne économique. Et pourtant, sans un crédit bancaire efficace et mobilisé, quelle activité économique est encore possible ?

Nous ne pouvons tolérer, sur le fond, de telles distorsions dans l’affectation des moyens européens et nous ne pouvons accepter que l’Union européenne soit plus intrusive dans les politiques budgétaires et économiques de chaque État qu’elle n’est regardante dans la gestion des banques.

Mes chers collègues, nous pensons que « le MES n’est pas dit », si je puis me permettre, que le débat se poursuivra dans le pays et en Europe, bien au-delà de cette enceinte. Nous émettrons bien sûr un vote négatif sur cet article unique.

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