Un texte qui permet la continuité du devoir de mémoire

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » fait partie de ces textes – le fait est assez rare en cette période électorale pour être souligné ! –, qui transcendent ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les clivages politiques, lesquels ne sont pourtant que l’expression normale de la démocratie.

Contrairement à d’autres textes qui se rapportent directement à de grandes périodes parfois controversées de notre histoire, et dont nous avons récemment discuté, nous ne pouvons suspecter cette proposition de loi d’être empreinte d’arrière-pensées politiciennes.

En effet, ce texte se réfère à des événements et à une institution qui ne prêtent aucunement à la polémique. Nous sommes certainement unanimes dans cet hémicycle à partager le bien-fondé des raisons qui ont conduit le général de Gaulle à créer l’ordre de la Libération.

Comme l’a rappelé notre rapporteur, cet Ordre a été créé à Brazzaville en novembre 1940, afin de concrétiser le symbole de la France, qui avait choisi de lutter contre l’occupant aux côtés des alliés. Il s’agissait d’un signe de reconnaissance et d’appartenance aux forces de la France libre.

Dans son esprit, cette création devait également incarner la continuité de la France face à la symbolique du régime de l’État français du maréchal Pétain, dont la francisque était la principale décoration d’une prétendue « Révolution nationale ».

Selon les termes mêmes de l’ordonnance créant l’ordre de la Libération, celui-ci était « destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de la libération de la France et de son Empire ».

C’est ainsi que, à côté d’hommes et de femmes, héros modestes et souvent peu connus, des villes, des communes de France et des unités combattantes ont aussi été distinguées.

Je pense évidemment à ces hauts lieux de la Résistance que furent Grenoble et Vassieux-en-Vercors, à Nantes dévastée par les bombardements, à l’île de Sein, dont tous les hommes valides furent les tout premiers à rejoindre à Londres le chef de la France libre, et bien sûr à Paris.

Mais je pense aussi aux pilotes français et soviétiques de l’escadrille Normandie-Niemen, unis par la même volonté de défendre leur patrie contre le nazisme.

Ces villes, ces hommes et ces femmes, par leur exemplarité, méritaient pleinement d’entrer dans l’ordre de la Libération.

La guerre terminée et la libération accomplie, les décorations de l’Ordre ont naturellement cessé d’être décernées.

Ce texte a donc précisément pour objet de résoudre les problèmes juridiques et techniques qui résultent de la mise en œuvre de la loi de mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Cet établissement public national à caractère administratif est destiné à assurer la pérennité de l’ordre de la Libération, en lui succédant, et ce avant même que n’aient disparu les 28 titulaires de cette décoration encore vivants.

Il convient, en effet, de garantir le fonctionnement de cet organisme, qui devra prochainement assumer la gestion de l’Ordre dans la mesure où le texte qui nous est proposé a fixé la date butoir du 16 novembre 2012.

Je n’entrerai pas dans le détail des quatre articles qui précisent la loi de 1999 et donnent un fondement juridique à son évolution. Mais je voudrais approuver le choix particulièrement judicieux du Mémorial de la France combattante, situé sur la commune de Suresnes, près de Paris, pour accueillir le musée de l’Ordre.

Ce lieu, adossé au Mont-Valérien dans la clairière duquel furent fusillés tant de résistants venus d’horizons divers, de Missak Manouchian à Honoré d’Estienne d’Orves, symbolise et regroupe toutes les mémoires et toutes les valeurs des combattants de la France libre et de la Résistance.

Mes chers collègues, à l’heure où vont progressivement disparaître les derniers témoins de cette page souvent tragique et douloureuse, mais aussi héroïque, de l’histoire de notre pays, cette proposition de loi est pleinement justifiée.

En votant ce texte, le groupe communiste, républicain et citoyen se félicite de permettre ainsi, par les effets juridiques et financiers que celui-ci sous-tend, la continuité du devoir de mémoire.

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