L’école n’est pas le lieu d’une activité professionnelle

L'école n'est pas le lieu d'une activité professionnelle - Ecoles de production

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à instaurer un cadre juridique spécifique au seul bénéfice des écoles de production.

Ces établissements privés d’enseignement technique et de formation professionnelle, qui sont au nombre de quinze, dont huit situés en région Rhône-Alpes, sont centrés sur la pratique des métiers de l’artisanat, du commerce et de l’industrie.

Ces écoles présentent certaines spécificités. Elles ciblent des jeunes de 14 à 18 ans en situation de rupture scolaire. Une méthode pédagogique spécifique met l’accent sur la formation par la pratique en atelier durant les deux tiers du temps scolaire, le dernier tiers étant consacré à la formation théorique en classe. Il s’agit donc d’ « écoles-entreprises » qui, en répondant à des commandes de clients, placent les élèves en situation réelle de production au sein même de l’école.

Ces écoles n’étant pas sous contrat avec l’État, elles sont non pas soumises au contrôle pédagogique des autorités académiques, mais totalement autonomes.

Leur financement est particulier, fondé pour moitié environ sur la vente des produits commandés aux élèves par les clients et, dans les sept écoles de production reconnues par l’État, pour 20 % à 25 %, sur le bénéfice de la taxe d’apprentissage.

Les formations dispensées, qui figurent sur une liste établie par le préfet de région, peuvent bénéficier du versement de la taxe d’apprentissage au titre du « hors quota ». Elles reçoivent également des subventions de fonctionnement en provenance des collectivités territoriales, essentiellement les régions.

La Fédération nationale des écoles de production, la FNEP, indique que, en juin 2010, la proportion d’élèves de ces écoles ayant obtenu leur diplôme a atteint 85 % et que la moitié de ces diplômés accède facilement à l’emploi, quand l’autre moitié poursuit des études.

Un certain nombre de facteurs nous conduisent cependant à pondérer cet aspect positif.

Vous le savez, n’étant pas favorables à l’élargissement des dispositifs d’apprentissage précoce avant l’âge de 16 ans, nous nous sommes opposés à leur adoption. Nous ne pouvons pas davantage accepter l’exercice par des jeunes âgés de 14 à 18 ans, au sein même de l’école et durant deux tiers du temps scolaire, d’activités professionnelles relevant d’une spécialisation extrêmement précoce.

Nous considérons que l’échec scolaire doit au contraire être traité le plus en amont possible, au sein de l’éducation nationale, et sommes favorables à l’extension de la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans.

L’école doit avant tout former des citoyens. Si elle peut préparer à un métier, elle est le lieu non pas de l’exercice d’une activité professionnelle, mais d’un apprentissage théorique, en particulier s’agissant de jeunes de 14 ans.

Enfin, toute mesure d’extension et de développement de l’enseignement technique et professionnel devrait être en priorité focalisée sur une offre publique, gratuite, laïque et de qualité égale sur tout le territoire, et non pas inscrite dans une extension de l’enseignement privé confessionnel payant.

Ces écoles, il faut le reconnaître, offrent des solutions concrètes à des élèves en grande difficulté, que le service public de l’éducation nationale ne parvient malheureusement pas à prendre en charge.

Un tel constat doit nous conduire à nous interroger sur les raisons de l’échec du traitement de la difficulté scolaire par les établissements d’enseignement technique et professionnel public, et sur la capacité de ces derniers à favoriser la réussite scolaire et l’insertion professionnelle des élèves. Il ne doit pas mener à l’externalisation de la formation des élèves en difficulté vers des écoles ou des organismes privés, mais à la réintégration de ceux-ci au sein de l’éducation nationale.

Alors même que la réglementation en vigueur n’a pas empêché l’essor du réseau des écoles de production, qui organise en toute autonomie leur fonctionnement et leur scolarité selon des critères propres à chaque établissement, la reconnaissance d’un statut ad hoc, prévue dans la proposition de loi pour ces quinze écoles, nous semble malvenue.

Introduire dans notre droit un statut hybride taillé sur mesure au seul profit des écoles de production constituerait potentiellement une rupture de l’égalité de traitement dont bénéficient l’ensemble des établissements d’enseignement technique privé.

Ce statut procède en réalité, semble-t-il, de la volonté de combiner les avantages réservés aux apprentis dans le cadre des CFA ou des sections d’apprentissage et ceux qui sont ouverts aux élèves de l’enseignement public ou de l’enseignement privé sous contrat.

Dans cette logique, la présente proposition de loi vise à placer les écoles de production sous le contrôle du ministère de la formation professionnelle. Or celui-là même qui aurait la charge de l’agrément et du contrôle de ces écoles ne dispose pas des compétences nécessaires pour assurer la validation des méthodes pédagogiques mises en œuvre par ces établissements.

Le contrôle de l’État sur les établissements d’enseignement privé hors contrat doit, au contraire, rester sous l’égide de l’éducation nationale, afin que soient notamment vérifiés la validité des titres exigés des directeurs et des maîtres, ainsi que le respect de l’obligation scolaire et de l’instruction obligatoire.

Il s’agit sans doute, avec cette proposition de loi, de reconnaître aux écoles de production une vocation en matière d’apprentissage, afin de permettre l’extension de l’exonération de la taxe d’apprentissage des entreprises partenaires au titre du quota, ainsi que l’attribution de la carte d’étudiant des métiers, normalement réservée aux apprentis.

Le présent texte vise aussi à faire bénéficier les élèves des écoles de production des aides à la scolarité et des bourses de l’éducation nationale, alors même que le contrôle de ces établissements serait transféré au ministère du travail.

Il me faut préciser que l’État peut actuellement attribuer des bourses aux élèves des établissements d’enseignement technique privé reconnus par lui, après avis favorable du Conseil supérieur de l’éducation, le CSE. Or, en mai 2006, cela a été rappelé, le CSE a refusé d’accorder cette reconnaissance à plusieurs écoles de production. Nous ne saurions passer outre cette décision au détour d’une proposition de loi.

Nous voterons donc contre ce texte qui vise à contourner les obligations légales au bénéfice des écoles de production. Il appartient à celles-ci de se conformer à la loi pour obtenir la reconnaissance et les aides souhaitées, et non pas à la loi de s’adapter à elles pour qu’elles disposent de tous les avantages possibles, en matière de taxes d’apprentissage ou d’aides.

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