Ce texte porterait un nouveau coup à l’enseignement professionnel public

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons pour la motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos collègues socialistes, et ce pour deux raisons principales.

Premièrement, cette proposition de loi établit un régime juridique ad hoc pour les seules écoles de production. Le but est, me semble-t-il, de tirer un avantage législatif et financier des différents statuts scolaires du privé, sous contrat aussi bien que hors contrat, et du public, sans pour autant, quoi qu’en dise M. Carle, satisfaire aux exigences légales, aux contreparties et aux contrôles.

Ce texte prévoit notamment de faire bénéficier ces écoles des exonérations de taxe d’apprentissage au titre du quota, lesquelles sont normalement réservées aux centres de formation d’apprentis, alors qu’elles devraient pour cela modifier leur mode de fonctionnement pour s’apparenter à des CFA.

Je rappelle que 52 % de la taxe d’apprentissage, le « quota », revient obligatoirement à l’apprentissage, via des versements calibrés aux CFA, à un fonds national et au Trésor public. Les 48 % restants, le « barème », sont en réalité des versements libératoires des entreprises aux structures de formation technologique et professionnelle de leur choix, dont les écoles de production reconnues par l’État peuvent bénéficier.

Or, aujourd’hui, les lycées professionnels publics pâtissent d’un affaiblissement alarmant des contributions des entreprises. La construction de la taxe et l’affectation des fonds par les organismes collecteurs désavantagent déjà très nettement les élèves de l’enseignement professionnel public. Ainsi, dans l’ensemble du second degré, le public reçoit à peine plus que le privé, alors que ce dernier scolarise cinq fois moins d’élèves !

L’adoption de cette proposition de loi porterait donc un nouveau coup à l’enseignement professionnel public, et même à son homologue privé.

Deuxièmement, s’il est nécessaire qu’un effort soit fourni en faveur de l’enseignement professionnel et technique pour anticiper et faire reculer l’échec et le décrochage scolaires, le législateur doit avant tout se concentrer sur le développement et la valorisation de l’offre publique existante, qui a été, il faut le dire, fort mise à mal par la précédente majorité.

En tant que rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement professionnel, je suis particulièrement attachée à la revalorisation de cet enseignement. À mon sens, la prévention et le traitement des difficultés scolaires doivent se faire au sein de l’éducation nationale. Ils ne doivent pas être externalisés, ni sous la forme d’écoles de production dispensant des formations en dehors de tout cadre national, ni sous quelque autre forme privée que ce soit.

Il est au contraire de la responsabilité du législateur de faire en sorte que l’enseignement professionnel et technique public soit revalorisé, émancipé de l’orientation par l’échec, afin qu’il puisse répondre aux besoins de tous les publics, y compris à ceux des élèves en situation de décrochage scolaire.

Je trouve presque cocasse de vous entendre, chers collègues de l’opposition, évoquer avec tant de conviction les questions de décrochage scolaire, quand un bilan de la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans mise en œuvre en 2008 vient d’être effectué et que les premiers éléments montrent que cette réforme a augmenté les sorties sans qualification, qu’elle a mis en difficulté les élèves les plus fragiles et que le baccalauréat professionnel constitue un handicap pour poursuivre des études en BTS.

Ce constat ne doit toutefois pas nous conduire à envisager des correctifs hors de l’éducation nationale. Je milite au contraire pour que ces correctifs soient mis en œuvre dans le cadre de celle-ci.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés au texte qui nous est proposé et nous pensons qu’il n’est pas opportun de poursuivre la discussion.

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