La création de la BPI ne peut pas être considérée autrement que comme la première étape d’un long chemin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume en ces jours de décembre, le texte qui nous est soumis témoigne de la réussite des travaux de la commission mixte paritaire.

La création de la Banque publique d’investissement ne peut cependant pas être considérée autrement que comme la première étape d’un long chemin. De fait, quelques avancées significatives ont été réalisées, qu’il s’agisse des objectifs et des finalités assignés à la BPI, de sa gouvernance ou encore des choix qu’elle sera amenée à opérer dans ses engagements et investissements, sans parler de la place particulière accordée aux problématiques du développement local et régional dans l’activité même de l’organisme, des questions sur lesquelles je ne reviendrai pas, puisque le rapporteur les a évoquées dans son intervention liminaire.

Toutefois, des questions importantes restent en suspens, alors même qu’elles avaient été traitées dans des amendements que nous avions défendus et qui n’ont pas – pas encore, dirai-je ! – été retenus.

La première question tout à fait fondamentale a trait à la manière dont vont collaborer, à l’avenir, des structures aussi différentes que le Fonds stratégique d’investissement, riche de ses soixante-deux collaborateurs, dont treize directeurs et vingt-cinq chargés d’affaires, et OSEO, un établissement de crédit employant 1 800 personnes et fournissant l’essentiel de la « force de frappe » du futur BPI-Groupe.

Nous avons, je dois le dire, quelques craintes de voir ces parties prenantes se placer dans des perspectives différentes, sinon divergentes. Il conviendra sans nul doute d’éviter que les initiatives des uns n’empiètent sur celles des autres.

Ainsi, on nous a récemment rappelé que, dès sa création, le FSI, le Fonds stratégique d’investissement, avait engagé 650 millions d’euros dans le capital de Valeo, peu de temps avant que le groupe équipementier automobile ne décide la mise en œuvre d’un plan social et que son PDG, une fois l’opération lancée, ne se retire de ses fonctions avec un parachute doré.

La deuxième question, tout aussi fondamentale, est relative au fait que BPI-Groupe n’ait pas la qualité d’établissement de crédit et que la BPI ne soit pas, de fait, une banque. Il faudra traiter ce point le plus vite possible.

Cette situation, dont nous avions souligné l’importance lors du débat général comme lors de l’examen des articles, a malheureusement d’ores et déjà trouvé écho dans la presse économique, une dépêche de L’AGEFI, publiée avant-hier, ayant relaté qu’OSEO aurait sans doute plus de mal qu’auparavant à se refinancer sur les marchés. Avec la note AAA de l’État en adossement, cet établissement aurait pu bénéficier d’un taux intéressant pour développer l’activité économique à partir de ses ressources.

Ce renchérissement potentiel des ressources que la BPI serait amenée à mobiliser dans le cadre de son activité rendrait inopérante une grande partie des mesures prévues dans le projet de loi, ce qui est dommage au regard des objectifs poursuivis et des priorités affichées. Aussi, je renouvelle notre inquiétude sur ce point.

S’il revient plus cher à une entreprise de financer la réduction de son empreinte environnementale avec le concours de la BPI plutôt que de continuer à polluer sans entraves, avec un financement bancaire banalisé, nous n’aurons pas avancé d’un pouce.

La question du refinancement de la BPI devra, selon nous, être rapidement traitée.

Enfin, si les ressources de la BPI sont relativement faibles, son impact sur le segment du crédit aux entreprises risque d’être marginal et ne sera pas de nature à modifier la donne.

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que les ressources de la BPI risquaient d’être obérées par le préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Dès lors, nous pouvons craindre que les comités régionaux d’orientation n’aient pas suffisamment de moyens pour les diriger vers les choix définis dans le texte qui nous est proposé. Que pèsera la BPI si ses ressources bénéficient au CICE, dont le rythme de croisière se situerait aux alentours de 20 milliards d’euros ?

De plus, les ressources de la banque risquent de se retrouver captées par la seule région Île-de-France, où se trouvent le plus grand nombre d’entreprises éligibles au CICE.

Tout cela montre que la BPI ne saurait, en l’état actuel des choses, constituer la solution définitive et universelle à l’ensemble des questions posées par le renforcement de nos potentiels économiques, le développement de l’emploi et des qualifications ainsi que le recul des inégalités entre territoires. La BPI ne sera que ce que nous en ferons, et il m’apparaît clairement, au terme de ce débat, que les prochains échanges que nous aurons sur la réforme bancaire, le devenir de l’épargne réglementée et d’autres sujets faisant partie du même champ d’investigation seront – en tout cas, je l’espère ! – l’occasion de faire un premier point sur les avancées et les limites de ce texte, afin que nous puissions améliorer les conditions de financement et de fonctionnement de cette institution.

Retour en haut