Roms, population méconnue

Roms, population méconnue - Rapport sénatorial sur l'intégration des populations Roms en Europe (Airam Dato-on - https://unsplash.com/@airamdatoon)

Tribune libre parue dans le numéro de février du journal Initiatives.

La commission des affaires européennes a adopté, jeudi 6 décembre 2012 le rapport que j’avais été chargé de préparer sur l’intégration des populations Roms en Europe. Sur la base des analyses que j’ai effectuées, le rapport formule évidemment plusieurs recommandations afin d’améliorer la situation des Roms et de faciliter leur intégration dans les pays européens.

Pour les définir, j’ai auditionné une cinquantaine de personnes de tous horizons. La situation actuelle est extrêmement préoccupante : d’une part, un fort sentiment anti-Roms traditionnellement élevé se développe encore. Cela est lié à une profonde méconnaissance de ces populations, ainsi qu’à bon nombre de préjugés qui circulent à leur sujet et qui les associent au nomadisme, à la criminalité ou à une prétendue asocialité. L’anti-tsiganisme est devenu aussi le fonds de commerce des organisations d’extrême-droite.

D’autre part, les politiques actuelles d’insertion sont encore insuffisantes et, par ailleurs, trop dispersées. Chaque acteur essaie avant tout de rejeter la responsabilité de l’intégration sur les autres échelons, alors qu’il est clair que chacun d’entre eux porte une part de responsabilité. C’est le cas bien sûr des pays d’origine, mais une politique coercitive à leur égard n’est pas la solution. Il convient de les accompagner pour que les choses changent. C’est le rôle de Bruxelles, mais aussi des autres États membres qui peuvent contribuer par des aides à l’installation économique, par exemple, au retour, vraiment volontaire, de familles roms. La dureté de la situation actuelle exige que l’objectif de toute politique soit d’intégrer ces populations, et non plus de les rejeter plus loin.

À cette fin, il convient de mieux définir les responsabilités de chacun des échelons – européen, national et local –, ce qui suppose aussi d’améliorer la coordination entre eux. Pour cela, ce rapport préconise de : confier au Conseil de l’Europe le soin de coordonner la lutte contre l’anti-tsiganisme ; demander à l’Union européenne de raffermir son rôle en direction des Roms, en développant une véritable capacité de suivi et en facilitant l’utilisation des fonds européens ; mieux coordonner les politiques entre les pays dits d’accueil et les pays dits d’origine, par la voie d’accords bilatéraux, mais également avec le concours de l’Union européenne ; recommander que les politiques nationales visent à intégrer les populations roms au droit commun et remettre en cause les politiques de discrimination positive destinées aux seuls Roms, qui pourraient se révéler contre-productives dans le contexte social actuel.

Concernant plus spécifiquement la France, il est nécessaire de lever des dispositions transitoires qui restreignent encore aujourd’hui l’accès des ressortissants roumains et bulgares au marché du travail français ; il faut aussi faire preuve d’une certaine prudence avec la politique des villages d’insertion qui peuvent contribuer, tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, à renforcer la ségrégation des Roms. Par ailleurs, nous devons établir le principe selon lequel il ne devrait être procédé à aucune expulsion sans qu’un diagnostic préalable des besoins des populations n’ait été établi et sans que des solutions de relogement n’aient été proposées, conformément aux termes de la circulaire du 26 août 2012.

Il convient aussi de supprimer l’aide au retour, véritable appel d’air de ces populations. Sur cet épineux sujet, la réponse sécuritaire ne suffit pas. Fermer un campement, c’est déplacer le problème et le massifier. D’une part, parce que la plupart des migrants ne souhaitent pas retourner dans leur pays d’origine. D’autre part, parce que les expulsions incitent d’autant plus les Roms à se regrouper dans un souci de sécurité, ce qui ne fait que compliquer un peu plus leur intégration.

Retour en haut