Plutôt que céder au dogme idéologique de la réduction de la dépense publique, ne faudrait-il pas chercher d’autres gisements d’économies que l’austérité budgétaire ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet principal du Conseil européen de jeudi et vendredi prochains portera sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014–2020 – autrement dit, sur les questions budgétaires de l’Union.

L’objectif affiché par tous les chefs d’État et de gouvernement, du moins en apparence, est d’éviter un nouvel échec des négociations budgétaires, après l’impasse constatée lors d’un premier sommet sur le sujet en novembre dernier.

Pourtant, les négociations entre les différents protagonistes, les tractations qui ont eu lieu ces derniers jours et jusqu’à cette fin de semaine, l’entretien de demain entre la Chancelière allemande et le Président de la République ne laissent malheureusement pas augurer d’un accord.

Comme d’habitude, si je puis dire, les Vingt-Sept risquent vraisemblablement d’aboutir à un compromis un peu flou sur le niveau et la répartition des économies à réaliser sur le prochain exercice budgétaire de l’Union.

Plutôt que de céder au dogme idéologique de la réduction prioritaire, et à tout prix de la réduction des dépenses publiques dans tous les pays, ne faudrait-il pas chercher, dans d’autres directions, d’autres gisements d’économies que l’austérité budgétaire ?

Le 21 novembre 2012, le Gouvernement, par la voix de MM. Pierre Moscovici et de Jérôme Cahuzac, a adressé un courrier à la Commission européenne, lui suggérant de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la fraude fiscale.

Déjà, lors d’une précédente réunion, en juin 2012, le Conseil européen s’était préoccupé de mener une action déterminée contre ce fléau, qui mine littéralement les finances de l’Union et de ses États membres.

Une ONG britannique, Tax research, a évalué à près de 1 000 milliards d’euros le total de l’évasion fiscale pour les vingt-sept pays de l’Union, soit le montant des budgets cumulés de 2007 à 2013. Rappelons, pour mémoire, que le budget annuel de l’Union européenne s’élève à environ 150 milliards d’euros cette année.

Il faut saluer comme un encouragement l’initiative de nos deux ministres. Ceux-ci se sont notamment appuyés sur le constat établi par la commission d’enquête sénatoriale, dans le rapport qu’elle a publié sur cette question au mois de juillet dernier, ainsi que sur certaines des recommandations que nous avions alors émises. (M. Philippe Marini marque son impatience.)

Nous avions notamment démontré que, dans notre pays, les sommes détournées par la fraude fiscale équivalaient au produit d’une année d’impôt sur le revenu, soit une somme comprise entre 40 et 50 milliards d’euros.

M. Philippe Marini. Et la question ?

M. Éric Bocquet. À la veille de ce prochain Conseil,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bocquet.

M. Éric Bocquet. … je souhaiterais donc savoir si cette initiative de la France pour lutter non seulement contre la fraude fiscale, mais aussi contre le blanchiment et les flux financiers illicites à l’échelle européenne, a quelque chance de recueillir un écho favorable et si elle peut être de quelque effet dans la recherche de ressources budgétaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la réponse est oui. En effet, nous sommes engagés, au titre de l’action que nous conduisons au sein du G20 et de l’Union européenne, dans un processus de renforcement de la coopération avec nos partenaires de l’Union pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale.

Nous sommes liés non seulement à nos partenaires de l’Union européenne, mais aussi, entre partenaires de l’Union, à des pays tiers avec lesquels nous essayons de mettre en place des dispositifs destinés à éviter l’évasion fiscale de l’Union européenne vers des pays limitrophes. Nous essayons, avec eux, de définir des règles permettant de garantir davantage la transparence financière et fiscale, qui doit être un combat commun pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Je profite de votre question pour donner quelques précisions sur notre approche du budget de l’Union européenne, dont vous semblez redouter que nous l’abordions avec l’unique souhait de faire des coupes budgétaires et d’accentuer le risque d’austérité. Le Président de la République, qui s’est exprimé cet après-midi à Strasbourg, l’a dit : nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que cette négociation ne se réduise pas à une négociation sur des coupes budgétaires et des rabais, sinon le budget qui en résulterait empêcherait de mener des politiques de croissance.

Nous souhaitons aussi que, à terme, ce budget soit alimenté par des ressources propres. Si l’on veut en finir avec les chèques et les rabais, il faut que la taxe sur les transactions financières et, demain, la fiscalité sur le carbone permettent de financer correctement un budget européen qui ne peut pas reposer indéfiniment sur la seule contribution assise sur le revenu national brut, dite « contribution RNB », c’est-à-dire des prélèvements sur les budgets des États qui, on le sait, sont soumis à de fortes contraintes. Sans ressources propres, il n’y aura pas, à terme, de budget européen.

Enfin, je tiens à vous rassurer concernant la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière, qui aura lieu demain. Il n’y sera question que de football. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.) Cette rencontre aura lieu au stade de France et il y a peu de chance pour qu’à cette occasion des coupes supplémentaires soient envisagées. Compte tenu de la position de la France, vous savez que le risque est nul.

Retour en haut