Rien de nouveau sous le soleil de la formation professionnelle qui demeure, de fait, entre les mains de l’employeur

L’article 2 du projet de loi nous laisse assez dubitatifs. Présenté par le Gouvernement comme une avancée supplémentaire pour les salariés, la création du compte individuel de formation fait cependant l’objet d’un traitement que l’on peut qualifier de lapidaire. En effet, sa création n’est évoquée qu’au travers d’un court alinéa : « Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. […] Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi […]. »

De ce compte, des modalités de son abondement, de la manière dont les salariés peuvent y recourir, nous ne savons rien, de sorte qu’il nous a fallu prendre connaissance de l’article 5 de l’ANI, que l’article 2 du projet de loi doit théoriquement retranscrire, pour comprendre enfin qu’il ne s’agissait pas de la création d’un droit nouveau à la formation professionnelle, mais d’un toilettage et d’une extension, au demeurant limitée, de la portabilité du droit individuel à la formation, DIF.

Ce que cet article présente comme un droit nouveau n’est en fait qu’une technique nouvelle de gestion des droits actuels, dont nous regrettons d’ailleurs qu’elle ne soit pas plus démocratique. Qui plus est, l’insertion de ce nouvel alinéa dans l’article L. 6111–1 du code du travail, dont je rappelle qu’il fixe les principes généraux de la formation professionnelle, tend à réduire le droit à la formation professionnelle à ce compte, ce qui revient à faire fi notamment de l’importance, pour les salariés, des autres mécanismes de formation, comme les plans de formation. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil de la formation professionnelle, qui, malgré la réaffirmation de son appartenance aux salariés, demeure de fait dans les mains des employeurs.

Comme pour le DIF, le nombre d’heures acquises annuellement par les salariés sera de 20 heures. Comme pour le DIF, le cumul demeurera de 120 heures sur six ans. Comme pour le DIF, un salarié aura besoin de l’autorisation de son employeur ou de Pôle Emploi pour utiliser immédiatement les crédits qu’il aura accumulés sur son compte. Dès lors, on comprend mal comment la création de ce compte pourrait à elle seule résoudre les inégalités et les difficultés provoquées par le DIF ; nous les connaissons.

Pire, selon les interprétations que certains observateurs de l’ANI font de cet article, son adoption pourrait réduire les droits des salariés. Ces observateurs considèrent en effet que l’utilisation par un salarié de son droit au congé individuel de formation aurait pour effet de vider le compte individuel de formation des droits qu’il contient. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu’il en est réellement ?

Nous sommes donc bien loin d’une véritable réforme de la formation professionnelle. Nous étions pourtant nombreux, à gauche, à exiger une telle réforme lorsque nous examinions le projet de loi de Xavier Bertrand relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie.

C’est toute la formation professionnelle qu’il faut repenser. Il faut arrêter avec la logique du plafonnement des heures, qui limite considérablement les droits des salariés, surtout si l’on prend en compte le prix et le temps qu’exigent les formations qualifiantes, lesquelles sont souvent de longue durée. Afin de permettre l’accès à la formation professionnelle des moins diplômés – c’est tout de même une vraie question –, il faut permettre à celles et ceux qui sont sortis récemment du système scolaire sans diplôme d’accéder à la formation, au lieu de la réserver, comme cet article le prévoit, aux personnes déjà insérées sur le marché du travail. Il faut également rendre aux salariés les pleins pouvoirs quant à l’utilisation de leurs droits, en supprimant la faculté dont dispose actuellement l’employeur de refuser à deux reprises la demande de formation professionnelle des salariés.

Les salariés les plus précaires doivent par ailleurs pouvoir bénéficier d’une majoration de leurs droits, afin que ces droits soient plus effectifs et que les chances pour les salariés précaires d’évoluer professionnellement soient plus importantes qu’elles ne le sont actuellement. Il faut enfin renforcer le secteur public de la formation professionnelle, notamment en réaffirmant le rôle majeur de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFPA, et en cessant de confier la formation professionnelle des salariés privés d’emploi à des opérateurs privés de placement et de formation, dont les services sont coûteux et peu efficaces malgré les sélections qu’ils opèrent pour déterminer les personnes qu’ils accueillent.

L’article 2 ne traite pas de tous ces enjeux. Nous y voyons là encore, comme pour l’article 1er, la preuve d’un renoncement à exiger des employeurs qu’ils jouent pleinement leur rôle et que, par voie de conséquence, ils participent financièrement plus qu’ils ne le font aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, comme sur l’article 1er, ne votera pas cet article.

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