Une avancée bien timide

La possibilité nouvelle, confiée au comité d’entreprise, de pouvoir être informé des choix stratégiques de l’entreprise constitue une avancée, mais une avancée bien timide. Notons d’ailleurs que cette faculté a fait l’objet d’une approbation par le MEDEF. On peut dès lors douter, compte tenu des positions générales défendues par l’organisation patronale, de son efficacité pour empêcher en particulier les plans sociaux. Elle sera d’autant plus limitée que le reste du projet de loi porte considérablement atteinte, et nous le démontrerons, aux facultés dont disposent les salariés de faire obstacle aux plans de sauvegarde de l’emploi.

Pour ne prendre qu’un exemple et afin d’être le plus concret possible, je ne vois pas en quoi cet article aurait été un atout supplémentaire dans la mobilisation des salariés de Viveo, qui, via leur comité d’entreprise, ont contesté le plan de sauvegarde de l’emploi devant la juridiction civile siégeant sous la forme de référé.

À l’inverse, et nous le démontrerons aussi, je vois parfaitement comment les articles 12 et 13, s’ils avaient été appliqués, auraient constitué une entrave à cette action puisque l’autorité administrative en charge de l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi ne pourra jamais, même sur demande du comité d’entreprise, vérifier si le plan de sauvegarde de l’emploi est justifié au regard des prétendues difficultés économiques de l’entreprise. Or c’est ce qu’avait fait la cour d’appel de Paris dans l’arrêt Viveo : constatant que l’entreprise ne rencontrait pas de difficulté économique, elle avait cassé le plan de sauvegarde de l’emploi, considérant que celui-ci n’avait pas de fondement légal.

Nous formulerons, au travers des différents amendements que nous soutiendrons, des propositions concrètes que nous mettrons bien évidemment en débat.

Il est toutefois évident qu’en plus d’une révision des droits collectifs, dans le sens d’un renforcement, il faut également apporter des protections complémentaires aux salariés afin que ces derniers ne soient pas plongés dans une situation de dépendance économique telle qu’elle leur interdirait de revendiquer le respect de leurs droits élémentaires. Cela exige donc d’inventer un nouveau statut du salariat au cœur duquel seront placés la formation et le contrat à durée indéterminée.

Mais il faut également, par cohérence, développer des droits collectifs supplémentaires. Cela passe, par exemple, par la création d’instances représentatives interentreprises du personnel permettant aux donneurs d’ordre de gagner une plus grande responsabilité vis-à-vis de leurs sous-traitants – il s’agit d’une question très forte qui se pose dans notre économie aujourd’hui – ou encore par l’instauration, comme nous le proposerons, d’un droit de veto suspensif des représentants du personnel sur les plans de licenciement et les plans de restructuration, ce qui permettra la recherche et la construction de propositions alternatives aux licenciements. Propositions alternatives, dont nous souhaitons qu’elles fassent obligatoirement l’objet d’un échange avec l’employeur – ce qui n’est pas prévu dans le texte –, que celui-ci y réponde et surtout qu’il motive sa réponse, et que les pouvoirs publics puissent également y apporter, le cas échéant, leur soutien. Cela pourrait notamment entrer dans le cadre des missions du comité interentreprises, lequel jouerait enfin un rôle concret dans la politique de notre pays en matière de soutien à l’activité et à l’emploi.

Cet article, tel qu’il nous est proposé ici, nous semble très en deçà du projet dont je viens de parler. Ses effets concrets dans les entreprises nous paraissent plus qu’incertains, raison pour laquelle le groupe CRC ne votera pas en faveur de cet article.

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