Une dérogation majeure au droit actuel

Une dérogation majeure au droit actuel - Sécurisation de l'emploi : article quatre

À l’instar de mes collègues qui sont déjà intervenus sur l’article 4, je voudrais vous faire part de mes réserves et de mes interrogations, notamment sur les modalités de mise en œuvre de cet article et plus particulièrement pour ce qui est du recours à l’expertise, ainsi que sur la mise en place d’une coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.

En effet, la rédaction de l’article L. 2323-7-1 du code du travail, telle qu’elle résulte de cet article, et conformément à l’ANI, offre la faculté au comité d’entreprise de recourir à l’assistance d’un expert-comptable en vue de l’examen des orientations stratégiques de l’entreprise. Le verbe « offrir » n’est pas sans doute pas des plus heureux pour parler de cette disposition, dans la mesure où l’article 4 prévoit, en son alinéa 14, que ce recours à un expert-comptable repose en partie sur les capacités financières du comité d’entreprise, qui devra financier, sauf accord plus favorable, 20 % des frais liés à cette expertise.

Il s’agit d’une dérogation majeure au droit actuel, dans lequel le recours à un expert par le CE pour l’aider dans son examen du PSE est intégralement pris en charge par l’employeur. Qui plus est, il convient de préciser que cette participation est due à chacune des expertises. Aussi, les CE qui éprouveraient le besoin de solliciter deux soutiens dans la même année devraient y consacrer près de la moitié de leur budget. Cette contrainte financière constitue une entrave notable à ce que vous nous présentez, monsieur le ministre, comme constituant un nouveau droit.

J’y vois, pour ma part, l’œuvre du MEDEF, qui perçoit dans cette obligation de financement partiel par le CE, l’expression des craintes infondées qu’il nourrit à leur encontre. Sans doute a-t-il peur que les CE ne fassent se succéder les demandes d’expertises, ce qui pourrait coûter cher aux employeurs. Il choisit donc d’imposer cette solution.

Cette approche n’est pas la nôtre, et nous faisons grande confiance aux salariés qui représentent leurs collègues dans les instances représentatives. Nous savons qu’ils font preuve de responsabilité, raison pour laquelle nous proposons que ce recours à l’expertise soit intégralement financé par l’employeur.

En outre, les dispositions relatives à la coordination des CHSCT nous inquiètent. Nous ne sommes naturellement pas opposés à ce qu’il puisse y avoir, pour les projets qui concernent plusieurs sites, une instance de coordination des CHSCT. Tout au contraire, cela fait partie des idées que nous aurions pu soutenir, à la condition toutefois que cette instance de coordination ne se substitue pas aux autres concertations mais qu’elle s’y ajoute.

Depuis les lois Auroux, les CHSCT jouent un rôle fondamental : ils ne limitent plus leur expertise aux questions concernant directement la santé des travailleurs, mais s’intéressent aussi à leurs conditions de travail. Cela suppose que les consultations soient réalisées au plus proche des lieux et des conditions de travail.

Certes, et nous en prenons acte, un amendement présenté par le rapporteur et les députés du groupe socialiste vise à ce qu’un accord d’entreprise puisse prévoir que la consultation de l’instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail se substitue aux consultations des CHSCT des établissements concernés par le projet. Toutefois, il nous semble que cet amendement se limite à supprimer une précision, et nous redoutons que l’accord – lequel doit aborder les modalités particulières dans lesquelles cette instance de coordination travaillera – puisse prévoir que, même sans cette précision, sa consultation se substitue à celle des CHSCT des entreprises.

Nous proposerons donc un amendement plus clair visant à prévoir explicitement que cette substitution est interdite afin de faire de cette règle une mesure d’ordre public.

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