Budget 2004 : travail

par Roland Muzeau

Dix-huit milliards d’euros sont réservés aux allégements de cotisations pour les employeurs, c’est-à-dire près des deux tiers du budget, contre la moitié en 2002 !

 Comme l’indique M. Boissard, rédacteur en chef de « Liaisons sociales », c’est un budget « d’inspiration libérale » avec « une réorientation des aides publiques vers les entreprises du secteur marchand, au détriment du traitement social, c’est-à-dire des subventions aux emplois du secteur non marchand.

 Cette politique, qui a sa cohérence, souffre de gros défauts : elle fait l’impasse sur les chômeurs les plus éloignés de l’emploi, sur les jeunes en situation d’échec scolaire, pour lesquels le traitement social reste un sas nécessaire pour pouvoir accéder à l’entreprise ».

 On sait que l’aide à l’emploi des plus démunis entraîne un gain de pouvoir d’achat qui se répercute immédiatement sur la consommation, donc sur l’emploi.

 Or, 700 millions d’euros sont supprimés au détriment des publics prioritaires, les plus en difficulté.

 Le R.M.A. rendra encore plus difficile leur insertion économique.

 Vous sous-entendez que les chômeurs sont responsables de la prolongation de leur situation de chômage !

 C’est une antienne réactionnaire. L’historien André Veslin rappelle que le thème « du fainéant », du « mauvais pauvre » est contemporain du capitalisme et ressurgit dès que le chômage grimpe ! Vous traquez la « France paresseuse » comme M. Mattei traque les arrêts maladie ! M. Raffarin va mettre 120 000 allocataires de l’A.S.S. au R.M.I. et vous acceptez ici-même la suppression de l’enveloppe des 17 % réservée à la formation pour les RMistes !

 La montée du chômage dans notre pays est importante : 160 000 chômeurs de plus en un an !

 Selon M. Lucas, économiste chez B.N.P. Paribas, « ces chiffres sont en ligne avec notre scénario de poursuite de la hausse du chômage qui devrait atteindre 9,8 % fin 2003 puis grimper jusqu’à 10,1 % en juin 2004 ».

 « Nous n’en avons pas fini avec la montée du chômage » confirme M. Naudé de la Deutsche Bank. M. le Ministre, la situation vécue par les jeunes est intolérable. Que comptez-vous faire pour remettre en œuvre une vraie politique publique de l’emploi, dans le privé mais aussi dans le secteur public ?

 Une interrogation demeure : les allégements de charges sociales consenties aux patrons auront-elles l’efficacité sociale que vous leur prêtez ? Nous ne le pensons pas et le Médef vous en réclamera toujours plus !

 Êtes-vous prêt à présenter régulièrement devant la commission des Affaires sociales, les chiffres - création d’emplois, baisse du taux de chômage - correspondant à l’utilisation par les employeurs des 18 milliards d’euros et, êtes-vous prêt, à en exiger le remboursement si les emplois ne sont pas créés ?

 Ce serait le moyen d’évaluer des politiques publiques, et de faire preuve de transparence envers les contribuables, en leur permettant d’exercer un contrôle citoyen démocratique !

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