Sérieux budgétaire ou austérité ?

Sérieux budgétaire ou austérité ? - Budget (Pixabay)

Tribune parue dans Initiatives n°84, juin 2013.

Nous commençons à ressentir les effets de l’entrée en vigueur du nouveau traité européen, auquel notre groupe s’est opposé. Le Sénat vient de débattre du projet de programme de stabilité qui sera présenté à la commission européenne. L’objet est clair, réduire le déficit public en diminuant les dépenses dans le Budget de l’État, de la Sécurité sociale en direction des collectivités territoriales. Ainsi quand nous allons débattre du Budget pour 2014, le carcan aura déjà été installé réduisant les capacités du Parlement de faire d’autres choix. Pourtant la réalité en France et en Europe témoigne de la nocivité de ces choix inscrits dans le Traité de Maastricht puis du TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance).

Les élus que nous sommes viennent de le vérifier. Les collectivités locales, les communes en particulier, après 4 ans de blocage, se voient signifier par le gouvernement une réduction des dotations budgétaires de 4,5 milliards à l’horizon 2015. Les habitants auront de leur côté à apporter leur contribution à partir de l’année prochaine avec l’augmentation de la TVA à hauteur de 7 milliards d’euros. Le chômage grimpe comme jamais, les salaires stagnent, les hausses des pensions sont en sursis, le principe d’universalité risque d’être remis en cause pour les allocations familiales, les salariés du privé vont voir leurs conditions de travail attaquées, par la flexibilisation à outrance des horaires, le recours aux temps partiels, les licenciements facilités et un marché offert aux grands groupes d’assurances pour la complémentaire santé. On nous répète à longueur de journée que tout cela n’est que sérieux budgétaire et n’aurait rien à voir avec l’austérité ! Pourtant l’INSEE nous le rappelle, la baisse du pouvoir d’achat est devenue une réalité. Toutes les enquêtes, tous les sondages montrent qu’il y a un rejet de cette politique. Elle ne correspond pas à ce que les Françaises et les Français attendaient lorsqu’ils se sont débarrassés de Nicolas Sarkozy.

Ce gouvernement nous avait pourtant promis que les efforts seraient partagés. Les premières mesures fiscales qui allaient effectivement dans le bon sens et que nous avons approuvées ont vite été remplacées par des orientations dignes des politiques les plus ultralibérales que nous ne pouvons accepter. Ce qui se passe en Grèce, en Espagne ou au Portugal devrait nous inciter à ne pas prendre pour argent comptant ce que propose la Troïka (UE, BCE, FMI). Plus les recours aux politiques austéritaires sont importants, plus les déficits publics se creusent. Moins il y a de dépenses publiques, moins il y a de production et plus il y a de chômage. Telle est la réalité vécue par les peuples de ces pays. Nous savons parce que nous y sommes confrontés en tant qu’élus que nos investissements publics et en particulier ceux des collectivités locales, qui représentent 70 % du total, servent l’activité économique.

Que vont devenir nos entreprises du bâtiment et des travaux publics avec de telles contraintes budgétaires ? Les rentrées fiscales vont être ainsi de plus en plus réduites et nos déficits publics s’amplifier. Tirer vers le bas l’économie, comme tirer vers le bas le social n’aura pour conséquence que la récession et l’augmentation de la dette publique. Les statistiques Eurostat sur la dette publique rappelées par les économistes atterrés font la preuve que ces politiques d’austérité ont des effets désastreux sur les finances publiques « Entre le premier trimestre 2011 et le troisième trimestre 2012, elle a augmenté de 4 points dans la zone euro (de 86 % à 90 % du PIB), mais de 25 points au Portugal (de 95 % à 120 %), 12 points en Espagne (de 65 % à 77 %) et 7 points en Italie (de 120 % à 127 %). » Olivier Blanchard, économiste du FMI, reconnait avoir « sous-estimé l’augmentation du chômage et la baisse de la demande intérieure associée à l’assainissement budgétaire ».

Ce n’est donc pas le bon choix. La disparition de services publics comme nous avons pu l’observer ces dernières années est facteur de désertification, que ce soit dans nos communes rurales ou dans les banlieues des grandes villes. Les entreprises s’installent là où il y a des écoles, des services de santé, là où les communications sont facilitées. La présence de services publics est un atout important pour le développement économique de nos régions. Apporter des prestations familiales et sociales dignes de ce nom aide les familles à consommer mieux. Cela favorise l’activité des entreprises et des commerces. Le développement des transports collectifs participe également à l’activité des entreprises, au soutien à l’emploi, au développement des régions. Relancer la croissance grâce à une dépense publique répondant efficacement aux besoins des habitants est facteur de meilleures rentrées fiscales.

Ce sont ces choix politiques qui pourraient relancer par le haut notre économie et créer le cercle vertueux indispensable qui redonnerait la confiance à notre peuple. Mais on nous assène l’idée mille fois martelée : il n’y aurait plus d’argent dans les caisses. Qu’en est-il réellement ? Où va l’argent ? Si on ne s’en tient qu’aux exonérations, allègements de charges, aides publiques, réductions d’impôts en direction des entreprises, ce sont 170 milliards qui sont ainsi dépensés. Toutes ces mesures sont évidemment prises au nom de l’emploi, comme nous l’ont répété les différents gouvernements au fil des dernières années. Mais malheureusement le chômage s’est aggravé. Ces mesures ont fait la preuve de leur totale inefficacité.

Le seul résultat tangible est l’augmentation des dividendes aux actionnaires. L’investissement stagne et les salaires reculent. Quant à l’évasion fiscale, ce serait 60 à 80 milliards d’euros qui échapperaient ainsi aux rentrées fiscales. Au lieu de supprimer des emplois dans les services fiscaux, donnons-leur les moyens de récupérer ces sommes utiles pour notre budget. Tous ces milliards placés dans les paradis fiscaux et qui échappent à la fiscalité sont l’équivalent du déficit national. Ce serait un bon retour sur investissement comme on dit dans certains milieux. La soumission aux marchés financiers conduit à l’impasse. C’est bien d’un autre cap dont nous avons besoin pour que soient réellement pris en compte les besoins des habitants de notre pays. C’est de ce changement dont le pays a besoin : cela passe par un développement des services publics et une augmentation des salaires et des pensions pour que notre pays retrouve la croissance utile pour résorber le chômage.

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