Budget 2004 : transport aérien

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Le transport aérien a connu après le choc du 11 septembre, le conflit en Irak et l’épidémie de SRAS en Asie, une situation des plus délicates. La chute de 4,1% du nombre de passagers transportés en mars puis de 7,5% en avril et de 7,7% en mai prouve que la France n’est pas à l’abri du contexte international ; la reprise engagée en 2002, devrait, après la parenthèse de 2003, se confirmer en 2004.

L’entreprise publique Air France, fleuron de notre industrie, a su pendant ces périodes, contrairement à la grande majorité des autres sociétés privées, développer son activité et apparaître comme une des entreprises des plus performantes de notre pays. Les résultats du premier semestre sont positifs : bénéfice net 52 millions d’euros bien qu’en baisse par rapport à l’an dernier.
L’entreprise a ainsi fait la démonstration que la composition de son capital n’est pas une difficulté mais bien un atout, vous décidez de la privatisation. Pourtant, comme le dit Monsieur Spinetta le dit lui même, si Air-France a pu faire face, c’est qu’elle a pu dégager en interne les moyens financiers nécessaires à l’ampleur des investissements lui permettant de garder son niveau de qualité de services, de sécurité.

S’il st bien une démonstration faite, c’est l’intérêt pour Air-France d’avoir un partenaire comme l’Etat dont les capitaux n’exigent pas de rémunération au même niveau que les capitaux privés.
Or, vous avez décidé de privatiser ce fleuron de notre activité aérienne.
Vous avez pour habitude, afin de justifier vos privatisations, de mettre en avant les difficultés financières, l’inefficacité économique, le passéisme, l’incapacité à affronter la concurrence. Mais pour ce secteur vous n’aviez aucun argument avouable, si ce n’est celui de confier au privé, dans une perspective essentiellement financière, une entreprise appartenant à la nation.

Vous avez assisté à la disparition d’Air Littoral et d’Aéris en 2003 et n’avez même pas été tentés de revoir votre copie. Parallèlement, au nom de cette idéologie ultralibérale vous laissez les low cost bénéficier abusivement d’argent public ou parapublic, mettant en danger nos compagnies aériennes secondaires.
Mais de plus, cette conception entre en pleine contradiction avec la recherche du mode de transport le plus pertinent selon la distance à parcourir, selon le territoire à desservir. Le développement durable, dont on parle beaucoup, mériterait de trouver sa concrétisation dans le transport.

La maîtrise de l’énergie n’est-elle à l’ordre du jour qu’au ministère de l’écologie. Utiliser le mode le plus économe pour apporter la réponse la plus efficace, devrait nous guider dans toutes les décisions. Ce serait plus efficace que cette loi de la jungle.

Cette loi de la jungle qui participe au déséquilibre de ce secteur peut avoir des répercussions sur l’ensemble de la filière, aéroports y compris.
Prenons l’exemple de l’industrie aéronautique civile, et plus particulièrement celui de l’entreprise SNECMA que vous voulez également privatisé. C’est un modèle d’entreprise performante qui développe des technologies de pointe.
Cette entreprise, créée après la seconde guerre mondiale, pour doter la France d’une industrie performante afin de fournir l’armée de l’air en moteurs d’avions a su s’adapter et évoluer en rachetant l’entreprise Hispano-Suiza en 1968 et Turboméca en 2000. « Cette acquisition s’expliquait aussi par le fait que cette entreprise partageait depuis plusieurs années avec la SNECMA des travaux de recherche de développement financés par l’Etat. Par conséquent, il était important pour la SNECMA d’éviter l’accès à ces savoirs par des concurrents étrangers. » Au cours des sept dernières années, cette entreprise a redressé sa situation financière, c’est le fruit d’efforts importants de la part du personnel et de la reprise du marché civil à partir de 1997.

Rien ne justifie un affaiblissement de l’Etat dans son capital. Monsieur Bechat le reconnaît lui-même en disant qu’il n’a pas eu à se plaindre de l’actionnaire Etat, le plus important pour la société étant de disposer d’un actionnaire principal stable. »
Il en va de même pour Aéroport de Paris (ADP) que voulez privatiser pour la simple raison que « les grands aéroports sont désormais des établissements privés ». C’est là un bien maigre argument. Les résultats de la privatisation des secteurs du rail et de l’énergie en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis devraient vous engager à plus de prudence.

Vous allez vous donner les moyens d’aller plus loin avec le transfert de gestion des aéroports de province avec la loi « responsabilités locales ».
La commission d’enquête que nous avons demandé pour faire le bilan des déréglementations et privatisations devrait nous permettre de prendre des décisions appuyées sur une appréciation de l’impact de ces premières étapes.
La France possède une solide culture aéronautique et spatiale.

Depuis plus de trente ans elle est engagée dans de grandes coopérations internationales avec d’importantes percées technologiques. Celles-ci ont été possibles grâce aux financements publics, dont les décisions dépendent des états concernés.
Les coopérations pourraient être renforcées grâce à une réelle implication de la Banque Centrale Européenne par des crédits à longs termes. Cette branche industrielle y gagnerait en efficacité économique et sociale, en desserrant l’étau des exigences imposées par les marchés financiers.

Votre budget, Monsieur le Ministre, stagne, sa légère augmentation est artificielle, elle vient du FIATA, suite à la loi de programmation sur l’outre-mer. Les investissements sont en recul de 7,7% vous ne donnez pas à ce secteur l’impulsion nécessaire pour que nous puissions relever les défis qui se présentent à nous.
Vous ne répondez pas non plus aux multiples inquiétudes des riverains des aéroports, en réduisant les moyens de la lutte contre le bruit, qui pourtant fait partie des nuisances les plus difficiles à traiter et qui méritent notre mobilisation.

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