Budget 2004 : transports terrestres

par Marie-France Beaufils

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Vous avez, Monsieur le Ministre, avancé l’idée, en mai dernier, qu’il serait tout à fait opportun de sortir les investissements d’infrastructures de transport du pacte de stabilité. Force est de constater que non seulement, ce vœu est resté pieux, mais que ce budget a malheureusement été placé sous le signe de la rigueur.

La réduction, à périmètre constant, de plus de 4% de ce budget, compromet bien évidemment la mise en œuvre d’une politique multimodale, nous permettant de respecter les engagements de la France en matière de développement durable.
Nous devons toujours garder à l’esprit que le fret routier n’a cessé de se développer au cours de ces vingt dernières années. En 2001, la route représentait 83% du transport de marchandises.

Or, les transports routiers contribuent pour 26% des émissions de gaz à effet de serre tous gaz confondus et pour 32,5% des émissions de CO2 d’origine énergétique. Ne serait-ce que de ce seul point de vue, le développement du fret ferroviaire, du transport combiné et de l’intermodalité en général est donc incontournable.

Or cette discipline budgétaire prive la SNCF des moyens nécessaires pour que soit opéré, en rupture avec des années de dérive du tout routier, le rééquilibrage du rail par rapport à la route.
Cette discipline budgétaire aura aussi pour contrepartie immédiate une hausse de la fiscalité locale comme on a pu le démontrer lors du débat sur le projet de loi « Responsabilités locales ». L’augmentation prévue de la TIPP sur le gasoil pour les particuliers est, quant à elle, révélatrice du déploiement d’une politique d’injustice sociale qui ne cesse de multiplier les taxes mais aussi les péages en cherchant à faire imposer, en partie sur les ménages, indépendamment qui plus est, de leur niveau de revenu, le financement de certaines infrastructures de transports.

Doit-on encore souligner qu’une fois de plus, l’Etat renonce à traiter véritablement de la question de la dette de RFF et de la SNCF. Monsieur Oudin, dans son rapport le reconnaît lui-même, aucune réelle solution n’est proposée pour permettre véritablement le désendettement du système ferroviaire qui entrave considérablement sa capacité de développement à long terme ?

Les 800 millions d’euros abondés par la TIPP et destinés à RFF, sont loin de correspondre aux 1300 millions d’euros que RFF consacre annuellement à la gestion de sa dette. Or, l’on sait pertinemment, et vous êtes le premier à le reconnaître, Monsieur le Ministre, que l’endettement de l’entreprise a permis de financer de manière indolore pour les finances publiques, les investissements d’infrastructures qui incombaient à l’Etat.

Ce choix, comme le dit Monsieur Oudin, qui « permet seulement de réduire la dépendance de RFF à l’égard des subventions publiques » est lourd de conséquences, qui enferment les entreprises dans des difficultés financières croissantes.

Par ailleurs, en ce qui concerne les transports combinés, les moyens d’engagements sont, une fois de plus, réduits, passant de 35 millions à 32 millions d’euros. Sur ces crédits, 24 millions sont directement attribués aux chargeurs, sans qu’aucun contrôle de leur utilisation ne soit prévu.
Quelles dispositions le gouvernement entend-il prendre pour contribuer à ce que les différents modes de transport de marchandise soient utilisés en fonction de leur pertinence en terme économique, social, environnemental.

Enfin, plutôt que de multiplier les taxes sur les ménages, ce qui à terme pèsera incontestablement sur la consommation, pourquoi ne pas taxer les entreprises qui utilisent les infrastructures. Ce serait sans aucun doute une mesure socialement plus juste. Elle aurait, en outre, l’avantage de libérer des ressources mobilisables pour le financement du transport combiné par exemple.

Je pense plus particulièrement, en faisant cette proposition, à une taxation des transporteurs routiers en transit sur notre territoire national. A défaut de pouvoir tirer vers le haut les conditions de travail et de rémunération des chauffeurs étrangers, une telle taxation introduirait ainsi un degré de loyauté plus important au niveau de la concurrence internationale. D’autre part, on le sait, les transports routiers en transit n’ont aucun apport dans la vie économique de notre pays, comme le rappelait le responsable FNTR, dans notre région il y a quelques jours.
Nous devons vivement y penser face à l’élargissement européen qui arrive à brève échéance.

Voilà, Monsieur le Ministre, les interrogations que je voulais soulever.
Je sais que vous rappelez souvent qu’il ne suffit pas de se donner des objectifs, si on ne s’en donne pas les moyens. Jean-Claude Gayssot avait proposé un objectif de doublement du fret ferroviaire pour rééquilibrer le rail et la route, une première mesure avait été décidée le 18 septembre 2001, acceptant l’achat de 600 locomotives pour renouveler le parc, première mesure indispensable pour faire face aux obligations de transport des marchandises, en répondant aux attentes de la clientèle.

Quelles mesures envisagez-vous, puisque le projet de budget qui nous est soumis ne nous les laissent pas entrevoir ?

Je continue de penser, quant à moi, que nous ne pouvons nous passer d’une réflexion sur la mise en œuvre du type de taxe que je proposais. La France est, au cœur de l’Europe, un lien de transit, traversé quotidiennement par des millions de camions, source de pollution atmosphérique et sonore.
Nous ne pourrons faire face au développement du trafic que par le développement multimodal et le fret ferroviaire.

Réfléchir dès aujourd’hui aux modes de financement les plus justes qui soient, favorisant une concurrence plus loyale avec notre propre secteur routier et permettant, s’il le fallait encore, des détournements de trafic qui réduiraient d’autant les pollutions sur le territoire national est une nécessité si l’on veut éviter, à l’avenir, des situations d’engorgement catastrophiques.
Tel était le sens de mon intervention.
Vous comprendrez aussi les raisons pour lesquelles nous voterons contre ce budget.

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