Incident présidence bolivienne : Michel BILLOUT et Eliane Assassi interrogent le gouvernement

lettre envoyée le 5 juillet 2013.

Monsieur le Premier ministre,

Les autorités françaises – ainsi que celles du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne - ont refusé, dans la nuit du 2 juillet, l’autorisation de survol du territoire français à l’avion transportant le président bolivien Evo Morales qui rentrait dans son pays après le sommet des pays producteurs de gaz réuni à Moscou.

Cette interdiction de survol imposée à l’avion du Président Morales, basé sur une rumeur, constitue un très grave précédent. Elle apparaît pour les Boliviens comme un acte d’hostilité délibéré.

Des explications ont été données, certes, dès le lendemain par le Président de la République. Mais elles sont surprenantes : il y aurait eu des informations contradictoires concernant les passagers qui étaient à bord, en allusion aux fausses allégations sur la présence d’Edward Snowden, à l’origine de révélations sur les actes d’espionnage américains et recherché par Washington.

De plus, comment les autorités françaises pouvaient-elles ignorer que cet avion transportait le Président de la Bolivie alors que la pression exercée par les Etats-Unis auprès des pays précédemment cités démontre une connaissance parfaite du plan de vol de cet avion et, a fortiori, de la qualité de ses occupants ?

Comment comprendre la position officielle de la France dans cette affaire ?

Lundi 1er juillet, Monsieur François Hollande, réagit très vivement aux révélations d’ Edward Snowden sur l’espionnage d’institutions de l’Union européenne et d’Etats européens dont sont soupçonnés les États-Unis, assurant que "la France ne pouvait pas accepter ce type de comportement."

Mardi 2 juillet, après les déclarations du Président bolivien, en marge de sa visite à Moscou, se disant prêt à accueillir Edward Snowden, plusieurs pays européens dont la France refusent sciemment que l’avion d’Evo Morales traverse leur espace aérien, soupçonnant que l’informaticien américain se trouve à bord.

Dans le même temps, le gouvernement français qui plaidait pour une suspension temporaire du processus de négociations avec les Etats-Unis sur un accord de libre échange en raison de ces révélations, accepte finalement de lancer ces négociations le 8 juillet.

Où se trouve donc la cohérence de la politique de notre pays ?

La France se doit de faire entendre une voix indépendante, progressiste, constructive et respectueuse des pratiques les plus élémentaires de la coopération internationale et du droit international. Le 25 septembre dernier, le Président de la République déclarait à l’Assemblée générale des Nations unies : "La France veut être exemplaire, non pas pour faire la leçon mais parce que c’est son histoire, c’est son message. Exemplaire pour porter les libertés fondamentales, c’est son combat, c’est aussi son honneur."

Dans cette affaire, au contraire, c’est une image d’asservissement de la France envers les USA qui a été clairement donnée.

L’incident a, d’autre part, pris jeudi 4 juillet une nouvelle dimension avec une déclaration du ministre russe des Affaires étrangères qui regrette l’attitude de la France, de l’Espagne et du Portugal qui "ne peut guère être considérée comme un acte amical à l’égard de la Bolivie, ainsi que de la Russie", soulignant "qu’il fallait respecter la souveraineté de tout pays".

Pour toutes ses raisons, nous estimons que vous devez tenir informée la représentation nationale à l’Assemblée Nationale et au Sénat dans les délais les plus courts :

 de l’importance des révélations concernant l’espionnage dont l’Union Européenne et la France ont notamment été victimes ;

 de la position du gouvernement français à l’égard de ces actes condamnables, s’ils sont confirmé ;

 des dispositions prises à l’encontre de M.Snowden ;

 de la position du gouvernement français à l’égard de la poursuite des négociations entre les USA et l’Union Européenne concernant l’accord de libre échange dans un contexte de violation des droits des citoyens et des Etats.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le premier Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.

Michel BILLOUT Eliane ASSASSI

Retour en haut