La Réunion privée d’un droit accordé aux autres DOM

La Réunion privée d'un droit accordé aux autres DOM - Article 73

Tribune parue dans le n°85 d’Initiatives, été 2013.

En 2003, lors d’une réforme, la Constitution a distingué
les anciens Territoires d’Outre-Mer (TOM), devenus Collectivités d’Outre-Mer (COM : Saint-Pierre-et-Miquelon ; Wallis et Futuna ; Polynésie ; Calédonie ; Saint-Barthélemy ; Saint-Martin) et les DOM (Départements d’Outre-Mer : Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion). Les COM sont régies par l’article 74 de la Constitution. Les DOM le sont par l’article 73. Cet article 73 offre deux possibilités.

La première permet l’adaptation des lois dans les champs de compétences des Régions et Départements, après habilitation.
Cette possibilité a été offerte afin de tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières. La deuxième permet aux DOM d’être habilités par la loi à fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Lors de la révision de la Constitution, un sénateur réunionnais a fait voter un amendement qui exclut La Réunion du droit à fixer elle-même ses propres règles. La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane se sont servies de cette possibilité et ont pu faire leurs propres règles dans des domaines comme la maîtrise de la demande d’énergie, la réglementation thermique le développement des énergies renouvelables, la formation, etc. Ces îles ont pu faire face à l’inadaptation de certaines règles métropolitaines, au vu de leurs spécificités : insularité, conditions climatiques, risques naturels, jeunesse, éloignement de la France.

La Réunion connaît ces mêmes spécificités. De plus, elle vit dans un contexte économique et social extrêmement difficile : un taux de chômage de plus de 30 %, et de 60 % pour les jeunes ; un tissu économique constitué à plus de 80 % de TPE, la persistance de profondes inégalités en termes de revenus et de salaires (51 % de la population au-dessous du seuil de pauvreté).

Si La Réunion bénéficiait de la possibilité de fixer, dans un certain nombre de matières relevant du domaine la loi ou du règlement, des règles répondant à sa réalité socio-économique, il est bien évident que cela lui permettrait de valoriser ses atouts : une jeunesse de mieux en mieux formée, des énergies renouvelables permettant d’atteindre l’autonomie énergétique, un environnement géographique en pleine mutation dans lequel elle doit s’inscrire, avec cette chance d’être à la fois région française, région européenne et ile de l’océan Indien, avec des relations déjà établies avec des pays émergents comme l’Inde ou la Chine.

À cause de cet alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution, La Réunion ne le peut pas. Cela est doublement condamnable : d’une part, parce qu’il y a discrimination entre La Réunion et les autres DOM ; d’autre part, parce que, au vu de l’urgence et de la gravité de la situation, des solutions devant être mises en place rapidement ne peuvent être prises. D’où notre proposition de loi demandant la suppression de l’alinéa empêchant La Réunion d’avoir les mêmes droits que les autres départements d’outre-mer.

Seulement voilà : même si la volonté de supprimer cet alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution est partagée par l’immense majorité des décideurs réunionnais, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que la proposition aboutira. Car rien n’indique clairement qu’il y aura une révision de la Constitution durant ce quinquennat.

Pourtant, La Réunion est aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit elle s’engage dans une politique de développement en rupture avec celle appliquée depuis 1946 ; soit elle garde le cap actuel et l’implosion sociale sera inévitable. Il appartient donc maintenant à chacun de prendre ses responsabilités.

Retour en haut