Contre une justice d’exception, une même justice pour tous !

En tant que parlementaire de Seine-et-Marne, j’ai déjà eu l’occasion de visiter en mai 2011 les locaux destinés à accueillir une annexe du tribunal de grande instance de Meaux, situé à quelques pas du centre de rétention du Mesnil Amelot, à côté d’une caserne de CRS.

Cette annexe ne correspond en rien à l’idée qu’on peut se faire d’un tribunal. Difficilement accessible par les transports, elle est loin d’offrir les garanties nécessaires à l’impartialité de la justice, ni à la publicité des débats indispensable pour l’équité de la justice.

J’estime que c’est une véritable justice d’exception pour les étrangers qui risque de s’organiser, rendue à l’écart des palais de justice et du public, à la demande et sous le seul regard de l’administration précisément chargée de mettre en œuvre la politique d’éloignement. Le transfert d’avocats, de greffiers et de magistrats pour défendre et juger dans des locaux dépendant du ministère de l’Intérieur constitue une atteinte à l’indépendance de la justice.
L’état récidive

Ce n’est pas la première fois que la justice tente de se « délocaliser » pour de fausses bonnes raisons. En 2006, le Conseil National des Barreaux, le Barreau de Marseille et le Syndicat des Avocats de France avaient obtenu que la Cour de cassation interdise, par trois arrêts du 16 avril 2008, l’utilisation d’une salle d’audience délocalisée située à l’intérieur même du centre de rétention du Canet à Marseille.

Les tribunaux doivent être accessibles aux proches du justiciable, mais aussi aux citoyens. La justice ne peut être rendue de manière sereine et impartiale que dans des lieux qui lui sont spécialement dédiés, indépendants de tout autre autorité de l’Etat et accessibles au peuple au nom duquel elle est rendue.
Ces principes étant manifestement inconciliables avec la délocalisation envisagée, les futures procès de Roissy ou du Mesnil Amelot se tiendront sans les citoyens, comme l’expérience le démontre en province où ces tribunaux "délocalisés" sont ou ont été en exercice.

La justice doit être rendue publiquement, être indépendante et impartiale, dans des conditions identiques à tous les justiciables. Cela implique qu’elle soit rendue dans un palais de justice identifiable de tous et accessible à tous, dans le respect de l’indépendance des juges et des droits de la défense, et non dans un lieu d’enfermement dans lequel les avocats seraient privés du soutien de leur Ordre et des moyens d’assurer une défense de qualité. Le juge des libertés et de la détention et l’avocat seront isolés, à l’écart de leurs collègues, et sous la pression constante de la police, chargée à la fois de gérer la Zapi (Zone d’attente pour personnes en instance) et de saisir le juge.

Je partage donc totalement le point de vu exprimé par le Conseil de l’Ordre des avocats de seine-st-Denis en mars dernier : les motifs budgétaires invoqués pour justifier cette délocalisation dissimulent en réalité la volonté de transformer le contrôle du juge en simple formalité d’enregistrement.

Je reste donc fermement opposé à l’organisation de cette justice "délocalisée" et crois, plus que jamais, à la nécessité de résistance et de contrôle des élus comme des citoyens du fonctionnement de nos institutions : sans ce contrôle, il n’est pas de liberté ni de démocratie.

Pour toutes ces raisons, au delà de ma participation à la journée de mobilisation du 17 septembre aux côtés des associations, des magistrats et des avocats, je resterai mobilisé, à leurs côtés, contre ces délocalisations et cette justice d’exception.

Contre une justice d’exception, une même justice pour tous !

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