Nous attendons toujours le grand texte dont le service public a besoin !

Il n’est pas sans ironie de constater que, mardi dernier, jour de notre délibération en commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’audiovisuel public, le comité central d’entreprise de France Télévisions annonçait un plan de départs volontaires portant sur 361 postes. L’ensemble des élus et des représentants syndicaux ont demandé le retrait de ce plan, et, je veux le dire, ils ont notre entier soutien.

France Télévisions s’est déjà vu retirer des centaines de postes, sans compter la diminution des emplois non permanents et le non-remplacement des départs à la retraite des années précédentes. On s’attaque désormais au cœur de métier de l’entreprise, puisque ce sont 90 emplois de journalistes qui seront supprimés ou encore toute l’antenne de l’Agence internationale d’images de télévision dédiée à l’actualité africaine qui a été jugée non prioritaire.

Cette « coïncidence » de calendrier invite chacun d’entre nous à une mise en perspective des mesures portées par ce projet de loi.

Pour notre part, cela conforte ce que nous avions déjà dit en première lecture. En ne procédant pas à la remise à plat du secteur audiovisuel, où des déséquilibres profonds ont été créés entre secteur public et secteur privé, et en n’intervenant pas en profondeur sur les logiques de concurrence, cette loi n’apportera pas les garanties d’indépendance suffisantes souhaitées au service public, à savoir celles qui le libéreraient d’un même mouvement des logiques d’influence non seulement politiques, mais aussi financières.

Ainsi, comme nous l’avons dit, cette loi pèche d’abord par ses absences, dans la mesure où elle n’ouvre pas de perspectives d’évolutions significatives pour les entreprises de l’audiovisuel public et manque de l’ambition nécessaire.

Nous ne nions pas les avancées de ce projet de loi, comme, par exemple, le maintien confirmé de la publicité en journée. Nous l’avions réclamé, car, sans autre perspective de financement, cette mesure était indispensable pour ne pas aggraver le sous-financement du service public.

Ce projet de loi revient également sur le fait du prince que constituait la désignation des P-DG des entreprises publiques de l’audiovisuel par le Président de la République en transférant ce pouvoir à un CSA rénové et plus indépendant. Cela va dans le sens de la garantie institutionnelle de l’indépendance des médias publics.

Toutefois, nous sommes encore loin de l’appropriation citoyenne et de la démocratisation nécessaire. Seul un représentant des usagers siégera en plus au conseil d’administration.

Les symboles de l’indépendance sont donc affichés, aussi importants soient-ils, mais les garanties d’une indépendance réelle et les moyens humains et financiers nécessaires pour qu’elle s’exerce pleinement ne sont toujours pas là. France Télévisions restera dans une situation financière fragile, et cela tant que la réforme de 2009 ne sera pas fondamentalement transformée.

En imposant la participation de l’audiovisuel public à l’effort de redressement des finances publiques, le Gouvernement n’améliore pas cette situation. Le COM, on le sait, impose à France Télévisions une diminution des dotations de l’État à hauteur de 42 millions d’euros d’ici à 2015.

Nous restons donc inquiets pour l’avenir de l’audiovisuel public. Si nous approuvons les améliorations contenues dans le projet de loi, l’imperfection du texte tient moins, selon nous, à ce qu’il énonce qu’à ce qu’il tait. On nous dit que la grande réforme est à venir. Pour l’heure, les propositions d’enrichissements que nous avions formulées en ce sens par des amendements en séance publique n’ont pas été acceptées.

Seule exception, dans la lignée des recommandations du rapport Plancade, nous avons obtenu l’introduction d’un article ouvrant la porte à une évolution des rapports entre les chaînes de télévision et les producteurs privés, notamment pour rendre au service public la maîtrise des droits sur les productions qu’il finance. L’article n’est pas exactement celui que nous avions proposé, mais il confirme que le débat est désormais ouvert sur ce point.

Je rappelle que l’enjeu est de taille. France Télévisions a une obligation d’investissements importante : 470 millions d’euros par an dans la production audiovisuelle et cinématographique, et 95 % dans la production indépendante. Ces investissements n’offrent, pour le moment, aucune contrepartie en termes de droits pour le service public.

Permettre à France Télévisions de passer des accords de coproduction et de détenir des droits sur ces œuvres reste une perspective nouvelle de financement utile pour l’avenir du service public.

Nous avions également proposé de rétablir le taux de la taxe sur les chiffres d’affaires publicitaires au niveau prévu par la loi de 2009, soit 3 %. Nous regrettons que le projet de loi pérennise le taux réduit, en principe temporaire, de 0,5 %.

Nous avions également souhaité relancer le débat sur les nouveaux modes de diffusion de la télévision et leur contribution au financement de l’audiovisuel public en proposant la taxation des revenus publicitaires par voie électronique. L’exploitation des contenus audiovisuels par les grands groupes de l’économie numérique leur assure, en effet, des revenus publicitaires considérables. Il faudra s’attaquer à ce sujet, qui est toujours devant nous.

Enfin, nous ne pouvons pas parler d’indépendance sans aborder la question de la concentration dans le secteur médiatique. Il faudrait renforcer et repenser les dispositifs anti-concentration. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens, conformes aux dispositions défendues il y a quelques années par le groupe socialiste du Sénat, mais nous l’avons fait, pour le moment, sans succès.

À nos yeux, je le répète, les progrès de ce projet de loi sont faibles. Nous en tenons compte, mais la réforme nous paraît trop timide. Elle fait l’économie de mesures nécessaires pour que l’indépendance soit garantie dans la durée.

L’avenir et l’indépendance de l’audiovisuel public exigeront une nouvelle loi. Ne perdons pas plus de temps pour la déposer : il y va de l’avenir de l’audiovisuel public.

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