Les conditions de ce contrat sont particulièrement favorables à Ecomouv

Les conditions de ce contrat sont particulièrement favorables à Ecomouv - Diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports : écotaxe (pxhere)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 traite des modes de répercussion de la taxe poids lourds. Préalablement à l’examen de ces dispositions, dans le droit-fil des propos tenus hier par ma collègue Mireille Schurch dans la discussion générale, nous souhaitons revenir non sur le principe de cette taxe, que nous approuvons, mais sur les modalités de sa mise en œuvre.

Nous nous félicitons tout d’abord que cette taxe entre enfin en vigueur au mois de juillet prochain. C’est une bonne nouvelle pour les finances de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et pour le rééquilibrage modal. Reste qu’il faut, pour garantir réellement son effet dissuasif, une politique ambitieuse pour le fret ferroviaire, afin que l’on puisse proposer aux chargeurs une solution de rechange à la route.

Pour l’instauration de cette taxe, le gouvernement précédent a fait le choix de recourir à un partenariat public-privé au bénéfice de la société Ecomouv. Il s’agit d’une filiale française de la société autoroutière italienne Autostrade per l’Italia, qui en détient 70 % ; les 30 % restants appartiennent à la SNCF, à SFR et à Thalès.

Les conditions de ce contrat sont particulièrement favorables. Ainsi, sur le rendement annuel de cette taxe, estimé à 1,2 milliard d’euros en année pleine, 230 millions d’euros iront financer la société Ecomouv, soit près de 20 %. Habituellement, pour des organismes de ce type, la norme se situe plutôt entre 2 % et 3 %.

Certes, la mise en œuvre de cette taxe est particulièrement complexe : toute la mise en place reste à faire, l’ensemble des camions devront être équipés et un système de suivi par satellite sera mis en œuvre. Il n’en demeure pas moins, selon nous, qu’un partenariat avec des prestataires extérieurs aurait constitué un formidable défi pour les douanes françaises.

Sur le fond, nous dénonçons depuis plusieurs années le recours aux partenariats public-privé, qui se révèlent la plupart du temps extrêmement coûteux pour la collectivité. C’est particulièrement frappant en l’espèce.

En réalité, lorsque la puissance publique choisit ce type de marché, c’est pour ne pas avoir à financer l’investissement premier, qui est souvent lourd. En l’occurrence, la société Ecomouv investira au départ un peu plus de 650 millions d’euros, somme qu’elle aura recouvrée au bout de trois années. Sachant que le contrat a été conclu pour une durée qui avoisine les quatorze ans, le retour sur investissement du projet atteindra donc 2,8 milliards d’euros. Alors que la politique de rigueur touche toute action publique, une telle générosité peut surprendre ! Cette belle réussite a d’ailleurs été saluée par le prix Project finance international 2011, remis le 26 janvier dernier à la société Ecomouv.

Monsieur le ministre, nous vous entendons lorsque vous nous indiquez ne pas avoir pu remettre en cause ce contrat au regard des lourdes pénalités qu’aurait dû supporter l’État. Nous en prenons acte.

Au final, alors que la taxe en année pleine est censée rapporter 1,2 milliards d’euros, seuls 760 millions d’euros, soit 63 % de ce produit, serviront au financement des infrastructures. C’est dommage.

Enfin, monsieur le ministre, puisqu’il est question ici des ressources pour le financement des infrastructures, je souhaite attirer votre attention sur un dernier élément, la participation des concessionnaires d’autoroutes au financement des infrastructures.

En effet, il faut le savoir, le réseau concédé échappe au périmètre de la taxe poids lourds. Cela pourrait d’ailleurs se discuter, mais ce n’est pas l’objet de notre débat. Si nous saluons la hausse de 200 millions d’euros de la redevance domaniale que vous avez opérée au mois de décembre dernier, nous tenons à vous redire, monsieur le ministre, qu’il est anormal, eu égard à la rentabilité des autoroutes, qui est de l’ordre de 2 milliards d’euros chaque année, de ne pas les solliciter davantage pour le financement du rééquilibrage modal.

Depuis six ans, les profits des sociétés concessionnaires ont été spectaculaires, en augmentation de 77 % pour Autoroutes du Sud de la France, ASF, et de 103 % pour Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, APRR. Nous pensons que le Gouvernement doit s’engager au mieux dans la voie de la renationalisation de ces concessions afin de renforcer encore les moyens de l’AFITF, et donc le développement des infrastructures alternatives à la route, et veiller a minima à ne pas céder aux appels des concessionnaires à prolonger la durée de ces concessions.

La privatisation des concessions d’autoroutes a constitué une erreur flagrante. Beaucoup le reconnaissent aujourd’hui, au moins en aparté. Il faudra sans doute y revenir pour remettre sur les rails une politique ambitieuse de financement des transports.

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part avant que nous n’entamions la discussion de cet article.

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