Il s’agit une nouvelle fois d’entériner le désengagement de l’État de ses missions premières

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi traduit les préconisations du rapport d’information sur la prévention des inondations, adopté en septembre 2012 sur l’initiative de notre collègue Pierre-Yves Collombat.

Au cours du débat qui s’est tenu en novembre 2012, nous avions déjà fait part de nos fortes réserves sur ces préconisations. Depuis, le contenu de cette proposition de loi a été pour majeure partie intégré au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : je pense notamment aux articles 1er à 5, qui constituaient pourtant le cœur du texte et dont l’objet était d’affirmer la compétence des communes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, tout en précisant que la compétence devrait être exercée à l’échelon intercommunal.

Il s’agit une nouvelle fois d’entériner le désengagement de l’État de ses missions premières. Ce transfert de compétence est ainsi justifié par le fait que celui-ci n’assume plus ou assume mal ses missions depuis de nombreuses années.

Nous ne partageons pas cette philosophie. En effet, jusqu’à aujourd’hui, la gestion du risque inondation était partagée entre l’État, les collectivités et les citoyens, dans une logique de contractualisation.

Les principaux outils sont les PPRN, les plans de prévention des risques naturels, élaborés par les préfets en association avec les communes concernées et soumis à enquête publique, et les PAPI, les programmes d’actions de prévention contre les inondations, qui rassemblent les opérations contractualisées entre les collectivités et l’État. Il faut savoir que, aujourd’hui, au titre des PAPI, l’État refuse par principe de financer les opérations relevant des compétences obligatoires des communes, comme la mise en place des plans communaux de sauvegarde.

Nous craignons que la reconnaissance explicite de l’octroi de la compétence de prévention des inondations aux communes ne conduise à priver les collectivités d’un soutien financier de l’État. En témoigne d’ailleurs l’article 8, qui prévoit d’augmenter la représentation des élus locaux au sein des instances délibérantes des comités de bassin. Il s’agit a priori d’une bonne mesure, sauf qu’une telle montée en puissance se traduit par une baisse de la représentation de l’État. Parce que nous ne souhaitons pas une telle évolution, nous avons déposé un amendement sur ce point en commission.

Dans le même esprit, le transfert des ouvrages de prévention constitue à nos yeux un cadeau empoisonné aux collectivités. À ce propos, j’aimerais savoir si celles-ci ont été consultées et si elles savent ce qui les attend. Des conventions d’une durée de dix ans sont prévues, mais qu’en sera-t-il à l’issue de ce délai ? La responsabilité de la gestion de ces ouvrages peut s’avérer extrêmement lourde pour les collectivités territoriales. Ce transfert engendrera en outre une dépense importante – de l’ordre de 600 millions d’euros, selon certains calculs – pour les collectivités, qu’il s’agisse de la gestion des digues ou de l’entretien des cours d’eau non domaniaux.

Pour financer l’exercice de ces compétences, la rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création d’une taxe, acquittée par les habitants des zones concernées. Nous continuons, pour notre part, de penser que la prévention des inondations relève de la solidarité nationale. Une telle mesure est par ailleurs contradictoire avec la volonté d’opérer une pause fiscale affirmée par le Gouvernement.

Par ailleurs, la généralisation des établissements publics territoriaux de bassin ne semble pas être une idée pertinente pour tous les territoires, au regard des fortes disparités territoriales constatées.

Quant aux dispositions relatives au régime des catastrophes naturelles, figurant dans les seuls articles restant finalement en discussion, elles sont très contrastées. Si certaines sont positives, notamment celles qui visent à permettre une meilleure association des maires à la gestion de crise ou celles qui portent sur l’accélération des indemnisations, d’autres le sont beaucoup moins.

On veut introduire beaucoup de nouveautés, alors même que toutes les propositions faites à la suite d’événements précédents n’ont pas été mises en œuvre jusqu’au bout. De la même manière, il a été fait peu de cas des outils issus de la loi Grenelle II, qui transpose pourtant la directive inondation de 2007.

Alors que le rapport d’information invitait à changer de paradigme en mettant au cœur de la prévention non pas la protection contre le risque, mais l’aménagement du territoire pour rendre celui-ci moins vulnérable, rien dans la proposition de loi ne relève d’une telle démarche. À cet égard, nous regrettons que la diminution continue des moyens humains au sein des préfectures ne permette pas de renforcer les contrôles de légalité sur les constructions en zones inondables. L’effectivité de ce contrôle est pourtant essentielle.

Force est de constater, au final, qu’aucune ressource budgétaire supplémentaire n’est prévue pour financer la prévention des inondations. Dans ce cadre, nous regrettons notamment que la question du recentrage du fonds Barnier sur ses missions premières ne soit pas évoquée.

Quant à la création du fonds qui était prévue à l’article 14 et qui a finalement été intégrée dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, nous craignons que la sanctuarisation liée à l’inscription des crédits en loi de finances n’entraîne un effet de blocage de la dépense.

Cependant, nous estimons que le travail en commission a permis d’améliorer le texte, y compris par la prise en compte de nos propositions. En particulier, nous sommes satisfaits de la suppression de l’article 16, qui permettait aux communes de s’affranchir purement et simplement du respect du code des marchés publics. Nous nous félicitons également que l’idée d’instaurer un malus en matière d’assurance ait été abandonnée, sur notre proposition et celle du rapporteur. Un tel dispositif semblait peu efficace et fortement pénalisant.

Pour autant, nous avons défendu en commission des propositions alternatives. Il s’agissait du dispositif relatif au régime des catastrophes naturelles préconisé par le groupe socialiste et soutenu dès 2005 par Nicole Bricq, qui nous paraissait plus simple et plus efficient. Malheureusement, le couperet de l’article 40 de la Constitution est tombé, ce qui ne nous permet pas d’y revenir.

Au fond, nous estimons qu’il est important de reconsidérer la place de l’État dans la prévention des inondations et le régime des catastrophes naturelles. L’État est supposé garantir la sécurité des personnes et des biens contre les éléments naturels, mais il est aujourd’hui évident que ce sont bien les collectivités qui l’aident à s’acquitter de ses missions, et non l’inverse. Cette proposition de loi en prend simplement acte.

Les charges et responsabilités ont été reportées sur les collectivités locales, qui ont par ailleurs subi la lente érosion du soutien de l’État par l’agonie de l’ingénierie publique. De manière factuelle, cette initiative parlementaire se heurte clairement au calendrier gouvernemental. En effet, la présente proposition de loi est débattue au moment même où une concertation est menée par le Gouvernement en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion des risques d’inondation. Nombre d’associations d’élus ont donc souhaité que soit suspendue l’adoption de mesures législatives, dans l’attente de l’aboutissement de ces consultations, qui ne saurait tarder. C’est le sens de la position commune arrêtée en octobre par treize associations nationales de collectivités territoriales. Parce que nous partageons cette volonté de respecter la concertation aujourd’hui en cours, nous nous abstiendrons sur ce texte.

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